Dans des lycées privés, le pass contraception « confisqué »

jeudi 30 juin 2011


En Ile-de-France, seul un lycée catholique le distribue. Les autres lui préfèrent entre autres un programme qui prône l’abstinence.

 Le pass contraception en Ile-de-France*

Le pass contraception permet aux lycéens, qui en font la demande à l’infirmerie, d’obtenir gratuitement et de façon anonyme trois coupons, deux fois dans leur scolarité : un pour consulter un médecin ou un gynécologue ; un pour obtenir trois mois de pilule ; un pour faire les analyses médicales nécessaires à l’obtention d’un contraceptif.

Chaque pass coûte à la région entre 59 et 102 euros. Il permet de lutter contre la hausse des IVG pratiqués sur des mineures : en 2002, elles étaient près de 11 000 à y avoir eu recours contre 13 200 en 2006.

Il y a un an, le conseil régional d’Ile-de-France adoptait le pass contraception, créé par la présidente du Poitou-Charentes Ségolène Royal. Distribué depuis le 26 avril 2011, il permet aux lycéens d’avoir gratuitement et anonymement accès à la contraception. Enfin, si ceux-ci sont scolarisés dans le public.
Au lycée Blomet (qui dépend de l’Ecole normale catholique) dans le XVe de Paris, les pass ont été « confisqués » à l’infirmière par le chef d’établissement. Au lycée Notre-Dame de Sion dans le VIe, l’infirmière explique que « ce sont aux parents de s’impliquer » :
_« On m’a demandé le pass deux fois. Je n’ai pas le droit de le distribuer, nous estimons à Notre-Dame de Sion que les élèves doivent discuter de ces questions-là avec leurs parents.
_Pour les mêmes raisons, nous refusons de donner la pilule du lendemain. »
Mêmes témoignages à Stanislas dans le VIe, à Massillon dans le IVe… L’écrasante majorité des lycées privés d’Ile-de-France ne distribue pas le pass.

« Lorsqu’on touche au corps, on touche au cœur »

La consigne vient d’en haut. L’évêque auxiliaire de Nanterre et le directeur de l’enseignement catholique ont envoyé un courrier à l’ensemble des chefs d’établissement leur demandant de ne pas le distribuer.
Extrait choisi :
« La formule “ pass ” signifie qu’une barrière se lève (comme à un péage d’autoroute), que les obstacles ultimes, celui de l’autorisation des parents et celui du coût d’une consultation et d’un moyen contraceptif, sont enfin supprimés par les pouvoirs publics. […]

Nous pensons, au contraire, que cette question relève des fondamentaux de l’éducation. Education à l’amitié, à la relation entre hommes et femmes, relation fondée sur le respect […]. Ce respect est aussi un respect du corps, expression de toute la personne, sanctuaire fragile et sacré qu’on ne peut approcher qu’avec délicatesse ; parce que lorsqu’on touche au corps, on touche au cœur, à l’espace le plus intime et le plus vulnérable de chacun. »

Les parents d’élèves s’y sont aussi opposés, par la voix de la puissante Apel, seule association des parents d’élèves du privé :

« L’Apel n’est pas favorable à un dispositif qui nie le rôle important que doivent jouer les parents dans l’information des jeunes concernant la sexualité.

Il faut, au contraire, mieux former les parents pour qu’ils puissent très tôt, c’est-à-dire dès les années collège, établir une relation de confiance avec leurs enfants et aborder cette question délicate des relations sexuelles. »

Les prises de position des parents d’élèves ont plus de résonance dans le privé que dans le public. Le privé touche moins de subventions publiques, c’est donc les parents d’élève qui financent en grande partie la vie de l’établissement par les frais d’inscription mais aussi par des dons. Se les mettre à dos est prendre un grand risque financier.

« Les jeunes ne veulent pas d’un amour au rabais »

Au pass, les lycées privés préfèrent le programme Teenstar, série de conférences prônant l’abstinence, élaborée par une psychologue américaine prof-life Hanna Klaus. On peut lire, dans la présentation du programme, sur le site :
« Soumis à la pression ambiante, les jeunes souhaitent un discours authentique sur leur accomplissement personnel et sur l’amour.
Les jeunes veulent vivre un grand amour et ne veulent pas d’amour au rabais. Ils constatent que l’amour a besoin de se construire sur une promesse de fidélité pour s’épanouir dans la confiance et le don total de soi. »

Qu’il soit le fruit d’un « grand amour » ou d’un « amour au rabais », les lycéennes du privé tombent aussi enceintes. Le programme Teenstar n’aborde pas la question. L’infirmière de Notre-Dame de Sion explique comment elle réagit dans ce cas :
« Je les envoie au planning familial. »
« Nous nous doutions que ces lycées ne les distribueraient pas »

Selon le conseil régional d’Ile-de-France, un seul lycée catholique n’a pas suivi la recommandation de l’évêque de Nanterre :
« Selon nos dernières informations, le seul établissement privé à distribuer le pass est l’Institut Saint-Pierre à Brunoy. Ils ont donné deux pass.
Nous nous doutions que les lycées privés ne les distribueraient pas. Nous n’avons aucun moyen de les contraindre, le pass n’est pas obligatoire, c’est un service rendu aux jeunes. »

A l’Institut Saint-Pierre, on n’a pas trop envie de s’afficher. Le directeur de l’établissement, Claudio Vaccari, refuse de nous parler et accepte seulement de correspondre par e-mail. Il se borne à déclarer :
« Nous avons pris une décision qui correspond à notre situation. »

Source Rue 89 Judith Duportail | Journaliste

  Le pass contraception en Ile-de-France

Le pass contraception permet aux lycéens, qui en font la demande à l’infirmerie, d’obtenir gratuitement et de façon anonyme trois coupons, deux fois dans leur scolarité : un pour consulter un médecin ou un gynécologue ; un pour obtenir trois mois de pilule ; un pour faire les analyses médicales nécessaires à l’obtention d’un contraceptif.
Chaque pass coûte à la région entre 59 et 102 euros. Il permet de lutter contre la hausse des IVG pratiqués sur des mineures : en 2002, elles étaient près de 11 000 à y avoir eu recours contre 13 200 en 2006.