Public - Privé : la vérité par les chiffres

samedi 9 septembre 2006


Depuis 4 ans, à chaque rentrée scolaire, l’enseignement catholique se lance dans une campagne affirmant que les écoles rattachées à son réseau doivent refuser des milliers d’inscription.

Ce type d’affirmation, relayé sans aucun travail d’analyse par les médias, amène souvent ces derniers à l’interpréter comme le signe d’une supériorité concurrentielle du privé. C’est bien sûr ce que recherche l’institution, ainsi que d’obtenir toujours plus de moyens de l’état.

Nous refusons cette logique de concurrence, préjudiciable in fine aux élèves car elle renforce le conservatisme des parents et appauvrit chaque école.

Surtout, elle entraîne le système éducatif dans une logique de marchandisation qui risque de mettre en péril le service public d’éducation, au détriment de l’enseignement public... mais aussi du privé sous contrat.

Pour éclairer le débat, nous préférons revenir aux chiffres, notamment ceux fournis par le document ministériel Repères et Références statistiques 2006, et en tirer des analyses moins manichéennes.

 Evolution des effectifs scolarisés entre 1980 et 2006 (en milliers d’élèves)

Année scolaireEnseignement publicEnseignement privé% du privé sur le total
80-81 10.494 2.039 16,3%
90-91 10.562 2.088 16,5%
00-01 10.155 2.012 16,5%
01-02 10.128 2.008 16,5%
02-03 10.116 2.010 16,6%
03-04 10.107 2.026 16,7%
04-05 10.098 2.028 16,7%
05-06 10.087 2.025 16,7%

Commentaires :
 les variations démographiques sont finalement faibles depuis 4 ans : où est la chute démographique qui justifie la réduction massive de postes d’enseignants ?

 même s’il y a eu une légère progression (en pourcentage par rapport au public mais pas dans l’absolu) des effectifs scolarisés dans le privé, cela reste très limité et même stable depuis 3 ans. Pas de ruée donc vers le privé.

 des analyses plus fines (notamment une étude d’« Éducation & formations ») montrent que le rapport public - privé, très variable géographiquement mais aussi selon les cycles (13,5% en primaire, 20,1% en secondaire) tend à s’homogénéiser : il y a progression du privé dans les zones où celui-ci était faible.

 on peut ajouter que certains évènements conjoncturels ont pu provoquer des mouvements d’élèves en direction du privé : émeutes des banlieues, grèves longues. Ils sont cependant d’un effet limité, et c’est plutôt le règne du zapping qui prédomine, ce qui fragilise le privé comme le public.

 Evolution du nombre d’enseignants

Année scolaire Enseignement public Enseignement privé{{}} Taux d’encadrement public Taux d’encadrement privé
95-96 807 135 134 940
96-97 813 125 135 280
97-98 817 110 136 980
98-99 825 750 137 765
99-00 826 720 138 735
00-01 841 140 139 155 8,28% 6,92%
01-02 849 600 140 290 8,39% 6,99%
02-03 862 610 142 065 8,53% 7,07%
03-04 870 515 144 169 8,61% 7,12%
04-05 868 342 145 394 8,60% 7,17%
05-06 860 198 144 940 8,52% 7,16%
06-07 848 835 144 909

Commentaires :
 le taux d’encadrement a progressé jusqu’en 2003-2004 : logique car la gauche avait opté pour une politique de qualité dans l’éducation, et son dernier exercice budgétaire a couru jusqu’à cette année-là. Depuis, la régression croît dans le public : - 2.200, puis - 8.200, - 11.500 (-21.680 sur 4 ans)... Changement de logique si alternance politique ?

 le taux d’encadrement du privé est traditionnellement plus faible car il n’a pas les mêmes obligations de service public (ZEP, structures d’accueil diverses, mais aussi écoles d’application, GRETA...). Au lieu de subir une baisse équivalente à celle du public ces dernières années, son taux d’encadrement est resté stable, et le nombre d’enseignants y a crû de 740.

 « Performances » éducatives

L’étude très fouillée d’« Éducation & formations » parle des différences de réussite scolaire liées avant tout aux caractéristiques des élèves.

Si les élèves du privé peuvent connaître de meilleurs parcours scolaires que ceux du public, ils tiennent en grande partie aux différences dans les profils sociaux des élèves.

En effet, si on compare des élèves présentant les mêmes caractéristiques (sexe, milieu social, niveau scolaire initial), les écarts de performance sont beaucoup moins marqués, ils disparaissent même totalement dans les régions de l’Ouest, où le privé sous contrat est très développé, les classes ayant alors la même hétérogénéité que celles du public.

Répartition par origine sociale des élèves du second degré

Très favoriséeFavoriséeMoyenneDéfavorisée
Public 18,5% 15,6% 25,2% 40,7
Privé sous contrat 27,4% 15,3% 28,4% 28,8%

Commentaires :
 nous sommes des professionnels : le rattrapage effectué depuis 20 ans ne peut que nous satisfaire. Il est avant tout le fruit des efforts des enseignants par le passage de concours (externes ou internes), par la formation personnelle, par la mise en place du travail en équipe...

 la supériorité dans l’« innovation » pédagogique et éducative mise en vitrine par l’enseignement catholique est cependant totalement fallacieuse.
Au contraire l’institution, qui gère souvent la relation aux parents comme un service à des clients, privilégierait plutôt des mesures conservatrices (devoirs surveillés... célébrations obligatoires, dans une conception qui fleure bon l’école des années 50).
Beaucoup d’innovations n’y relèvent que d’un « marketing éducatif » : allongement des plages de garde, activités ou voyages flatteurs, le plus souvent en contraignant au bénévolat les enseignants qui s’y associent.