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samedi 10 novembre 2018


Communiqué
La liberté de conscience en danger ou protégée ?

Fin novembre 2018, la cour de cassation doit décider si l’enseignement catholique a le droit, pour recruter les professeurs enseignant dans les établissements d’enseignement catholique, de poser des questions portant sur les convictions et les pratiques religieuses des professeurs

Résumé de l’affaire

M. Calogero Giardina s’est vu notifier un double refus d’emploi sur un poste de documentaliste dans l’enseignement privé à Saint-Chamond, qui s’étend à tout poste dans l’enseignement catholique sous contrat sur l’ensemble du territoire national et à vie. Ce refus a été notifié par la Commission d’Accueil et d’Accord Collégial de l’Académie de LYON (CAAC) dont le pré-accord est requis pour ce type d’emplois.
Par courrier du 7 mars 2012, M.Giardina se voyait notifier un premier refus de préaccord :
« Pas d’adéquation entre le projet professionnel et les intérêts personnels présentés pendant l’entretien ». Un second refus était notifié le 6 juillet 2012 après appel, sous un motif différent :
« Méconnaissance des réalités actuelles du métier d’enseignant documentaliste ». Il lui était indiqué, de plus, que « la décision de cette commission était définitive et sans appel et que le refus définitif de préaccord qui a valeur nationale avait pour conséquence qu’il ne pourrait pas enseigner dans un établissement catholique même s’il était lauréat du CAFEP. »
M. Giardina a fait valoir devant la juridiction administrative que l’entretien passé devant la CAAC était illégal pour plusieurs raisons, en particulier parce qu’il était précédé d’une série de questions écrites touchant à ses convictions personnelles, voire à sa vie privée. Ces questions ont donc un caractère discriminatoire :

« Avez-vous participé ou participez-vous encore à des mouvements d’Eglise (…) ? Si oui, lesquels ?
Quel sens donnez-vous à cet engagement ? (Question 7)
Quelle est d’après vous la raison d’être de l’enseignement catholique ? Sur quoi repose son projet ?
En connaissez-vous ses principales caractéristiques ?
Considérez-vous que ce choix vous engage et comment ? Comment vous situez vous par rapport à ses fondements ? » (Question 8)
Considérez-vous que ce choix vous engage et comment ? (Question 9)

Or, ces questions sont contraires à la liberté de conscience et elles constituent, notamment, une violation du Code du Travail. Dans son article L1121-1, celui-ci stipule que « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. »

En effet, M. Giardina ne postulait qu’à un emploi de maître auxiliaire documentaliste, et pas à une chaire de théologie.
D’autres textes de loi ont été remis en cause par le questionnaire de l’enseignement catholique :

Article L1222-2 « Les informations demandées, sous quelque forme que ce soit, à un salarié ne peuvent avoir comme finalité que d’apprécier ses aptitudes professionnelles. Ces informations doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l’évaluation de ses aptitudes. »

Article L1221-6
Article L1132-1 du code du travail.
Dès lors que les questions que le recruteur a posées au candidat, dans le déroulement du recrutement, comme ce fut le cas avec les questions que la CAAC de Lyon a posées à M. GIARDINA, sont des questions qui ont trait à la vie privée du candidat, à ses convictions et à ses pratiques religieuses, et qu’elles n’ont, de surcroît, aucun rapport avec le contenu et les compétences liées à l’emploi sur lequel postule le candidat, le refus du préaccord collégial est illégal.

M.GIARDINA ne postulait pas à un emploi de professeur de théologie, mais seulement à un poste de professeur documentaliste

Le refus du préaccord collégial qu’on a opposé à M GIARDINA est, en droit, illégal, précisément à cause de ces questions qui, dans le cadre d’un recrutement, sont interdites par la loi.

Décision du TGI de Lyon du et de la cour d’appel de Lyon

Décision du TGI de Lyon du 12 novembre 2015 : ce tribunal a débouté M.GIARDINA au motif que le refus du préaccord ne constituait pas, en lui-même, un motif discriminatoire .Cependant, curieusement, ce tribunal ne mentionne, à aucun moment, dans son jugement, les questions que l’enseignement catholique de Lyon a posées à M GIARDINA concernant ses convictions et ses pratiques religieuses

Décision de la cour d’appel de Lyon du 19 octobre 2017 :

Selon cette cour, les questions que l’enseignement catholique de Lyon a posées à M. GIARDINA portant sur les convictions et les pratiques religieuses de M.GIARDINA, dans le cadre d’un recrutement, ne constitueraient pas une discrimination et ces questions, seraient , du moins selon cette cour,« ouvertes ».

Les Arguments de l’avocat de M GIARDINA près de la cour de cassation

 les questions portant sur les convictions et les pratiques religieuses de M.GIARDINA posées par l’enseignement catholique, lors d’un recrutement de professeur documentaliste, outre les fait qu’elles remettent en cause une série de lois relevant du droit civil, du droit du travail et du droit pénal, sont contraires au droit de la liberté de conscience qui est un droit constitutionnel en France.

 Le refus de l’enseignement catholique, signifié à M GIARDINA d’occuper un emploi de professeur, dans la mesure où il est illimité dans le temps et dans tous les établissements d’enseignement catholique de France, est illégal

 le droit au travail a valeur constitutionnel : il figure dans le 5e alinéa du préambule de la constitution de 1946.Or, l’enseignement catholique constitue le principal gisement d’emplois de professeur dans l’enseignement privé en France. Le reste de l’enseignement privé, en France, est très marginal et n’offre pas d’emploi de professeur documentaliste. Or, l’enseignement catholique, depuis 7 ans, a signifié à M.GIARDINA un refus à vie et sur tout le territoire national d’occuper un emploi de professeur, ne serait-ce qu’un remplacement de 15 jours

Or, la cour européenne des droits de l’homme a jugé, dans plusieurs arrêts, que refuser à un candidat à un travail à vie et, de surcroît, sur tout le territoire national, est tout à fait illégal. Ne serait-ce que dans la mesure où il porte atteinte à ses droits fondamentaux et à sa vie privée.

La cour de cassation doit trancher le 28 ou le 29 novembre 2018

L’enseignement catholique, dans sa réponse, a reconnu qu’elle a posé à M.Giardina, lors de son entretien de recrutement à un poste d’enseignant, des questions portant sur ses convictions et ses pratiques religieuses.

On attend donc avec d’autant plus d’impatience la réponse de la cour de cassation que celle-ci a notamment pour rôle de vérifier si les juges de première instance d’une part et ceux de la cour d’appel de Lyon d’autre part ont appliqué les textes de droit. La question que doit se poser la cour de cassation est de savoir si les juges de première instance et ceux de la cour d’appel de Lyon ont fait ou pas une exacte application de la loi. Dans la mesure où l’enseignement catholique a posé à M.Giardina des questions sur ses convictions et ses pratiques religieuse ,dans le cadre d’un recrutement au sein des établissements d’enseignement catholique, et que ces questions violent la liberté de conscience, qui est un droit constitutionnel en France, la cour de cassation devra dire si la cour d’appel de Lyon avait le droit de dire que poser à M.Giardina de telles questions était légal.

Ce qui se joue ici, c’est donc le fait de savoir si l’enseignement catholique a le droit, en posant des questions ayant trait aux convictions et aux pratiques religieuses des candidats à un poste d’enseignant au sein des établissements catholiques, de remettre en cause le droit constitutionnel qu’est la liberté de conscience.

La décision de la cour de cassation est d’autant plus importante qu’en fonction de ce qu’elle dira, on saura si en France, un enseignant doit désormais obligatoirement avoir des convictions catholiques et être pratiquant catholique pour travailler dans l’enseignement catholique. Et on saura également si la liberté de conscience, qui est depuis très longtemps un droit constitutionnel en France, est toujours un droit constitutionnel.