La responsabilité juridique en milieu scolaire

dimanche 11 mai 2008


La montée du judiciarisme dans la société française n’épargne pas l’école. Beaucoup d’affaires ont concerné des enseignants ces dernières années, rendant difficiles des activités comme l’EPS, les sorties et voyages scolaires comme la simple garde d’enfants entre les quatre murs d’une classe ...

Cependant, une loi de juillet 2000 a permis une certaine sécurisation de l’environnement juridique. Il est d’autre part à rappeler que l’État, les établissements, les élèves et leurs parents engagent eux aussi leur responsabilité, l’État en assumant la plus grande part, mais pouvant ultérieurement se retourner contre les enseignants s’il estime qu’ils sont fautifs.
Mais il doit aussi aux enseignants une protection juridique ...

 1. La Responsabilité de l’enseignant

Outre une responsabilité civile, l’enseignant peut aussi devoir assumer une responsabilité pénale lorsqu’il commet une faute d’imprudence ou de négligence. Du fait de l’obligation de surveillance, le monde enseignant connaît un changement de régime de cette responsabilité pénale depuis la loi du 10 juillet 2000. L’application jurisprudentielle de ces nouvelles dispositions fait débat et peut à l’avenir évoluer. Ainsi, seule la jurisprudence actuelle est exposée ci-après.

11. La responsabilité civile

Les fondements de la responsabilité civile des enseignants, comme celle de tout citoyen sont établis d’abord par les articles 1382, 1383 et 1384 du Code civil qui date de 1804. La responsabilité des enseignants repose depuis sur la loi du 5 avril 1937. Certaines dispositions de cette loi ont été remplacées par celles de l’article L.911-4 du Code de l’Éducation.

Ainsi, les enseignants sont responsables des dommages causés par, ou au détriment, des élèves placés sous leur surveillance. Cependant, La responsabilité de l’État se substitue à celle des membres de l’enseignement qui ne peuvent donc pas être mis en cause devant les tribunaux civils par la victime ou ses représentants. Mais l’État peut exercer un recours contre l’enseignant, conformément au droit commun.

Les fautes, imprudences ou négligences invoquées contre l’enseignant, dans l’exercice de ses fonctions et responsable du fait dommageable, doivent être prouvées par le plaignant.

Dans le cas où l’État a été poursuivi et condamné, c’est lui qui paie et répare les dommages. Le maître conserve éventuellement :
 la responsabilité administrative de ses fautes de service, l’administration pouvant estimer que la faute mérite une sanction disciplinaire ;
 la responsabilité civile de ses fautes, étrangères ou non au service. C’est dans ce cas que l’État peut se retourner contre le maître pour exercer une action récursoire.

S’agissant des accidents consécutifs à une faute involontaire, l’action récursoire de l’État (l’État se retourne contre son agent) est engagée de manière rarissime. En revanche, lors de fautes intentionnelles (notamment s’il s’agit d’affaires de mœurs) l’action récursoire est souvent engagée.

Seuls les dommages causés pendant que l’élève est sous la surveillance de l’enseignant peuvent entraîner sa responsabilité civile. Le temps de surveillance comprend les heures d’enseignement, mais aussi la récréation (en 1er degré) ou les temps de pause entre ses cours.

Au collège ou au lycée, l’enseignant qui a terminé son cours doit se préoccuper de la prise en charge de ses élèves par le professeur qui donne le cours suivant. L’obligation de surveillance s’étend également aux sorties scolaires que l’enseignant organise, même avec des accompagnateurs.

Sous sa surveillance, la responsabilité de l’enseignant est selon les cas engagée totalement ou partiellement lorsque un dommage est causé à l’élève par le professeur lui-même ou par un autre élève ou un tiers, mais aussi lorsque l’élève cause un dommage à lui-même ou à un tiers.

Il ne suffit pas qu’un dommage survienne lors du temps de surveillance de l’enseignant. La loi du 5 avril 1937 exige également la preuve d’une faute de l’instituteur pour engager sa responsabilité. Il s’agit d’une responsabilité sur faute prouvée. Il est impossible de donner une liste exhaustive des fautes possibles. Elles sont appréciées souverainement par les juges du fond, au cas par cas. La responsabilité de l’enseignant sera retenue uniquement s’il existe un lien de causalité suffisant entre le dommage causé par l’élève ou subi par lui et la faute reprochée au professeur.

12. La responsabilité administrative

L’enseignant est responsable du contrôle de la fréquentation scolaire (tenue du registre d’appel).

Dans le cas de la responsabilité administrative, l’Etat est reconnu responsable lorsqu’une faute de service à l’origine du préjudice est prouvée. Une faute de service correspond au fait ou agissement résultant d’une « mauvaise organisation ou un fonctionnement défectueux du service public de l’enseignement ».

13. La responsabilité pénale

Avant l’adoption de la loi du 10 juillet 2000, toute personne ayant commis une faute d’imprudence ou de négligence, même vénielle, pouvait voir sa responsabilité pénale engagée, dès lors que cette faute avait été appréciée par les juges comme l’une des conditions nécessaires à la réalisation du dommage.

Pour plus de sécurité, la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 en son article 1 donne à présent une définition légale du délit non intentionnel :

"Il y a délit
1. lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.

2. lorsque les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais (…) ont crée la situation qui a permis la réalisation du dommage ou (…) n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter,(…). Autrement dit, les enseignants sont responsables pénalement s’il est établi qu’ils ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’ils ne pouvaient ignorer".

Ainsi, la loi du 10 juillet 2000 a institué en matière d’infractions non intentionnelles un régime de responsabilité pénale plus favorable que par le passé. Ces textes ne peuvent être mis en application qu’à la demande soit du Procureur de la République, soit sur plainte avec constitution de partie civile auprès d’un Juge d’Instruction, soit par voie de citation directe.

Par ailleurs, l’article 11 alinéa 4 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983, modifié par la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996, protège les fonctionnaires si les faits qualifiés de délits sont non détachables de l’exercice de la fonction du service public d’enseignement.

Aux termes dudit article : « La collectivité publique est tenue d’accorder sa protection au fonctionnaire ou à l’ancien fonctionnaire dans le cas où il fait l’objet de poursuites pénales, à l’occasion de faits qui n’ont pas le caractère d’une faute personnelle ».

Cela signifie que l’État assure une assistance juridique lors de la procédure pénale engagée à l’encontre des agents de l’Éducation nationale, à condition que le délit non intentionnel qui est reproché aux agents ne résulte pas d’une faute personnelle, mais d’un dysfonctionnement du service. En tout état de cause, même si l’enseignant est condamné pénalement, c’est l’État qui, in fine, assumera l’indemnisation civile du préjudice, consécutivement à la procédure pénale.

 2. La responsabilité de l’établissement, et celle de l’État

21. La responsabilité d’ordre éducatif

La première des responsabilités de l’institution d’enseignement est d’ordre éducatif. Il revient à chaque établissement d’enseignement de prendre les mesures générales pour organiser la vie scolaire et en particulier les conditions d’enseignement. Il est toutefois nécessaire de distinguer les établissements d’enseignement du 1er degré (écoles maternelles et élémentaires) et les établissements du 2nd degré (lycées et collèges).

- Etablissements du 1er degré

Les écoles maternelles et élémentaires sont sous l’autorité administrative de l’inspecteur de l’Education nationale (IEN) de leurs circonscriptions respectives. Mais l’organisation des enseignements et de la vie scolaire est la mission du conseil d’école présent dans chaque établissement d’enseignement de premier degré.

Se réunissant une fois par trimestre, les conseils d’écoles ont pour principale mission de voter le règlement intérieur de l’école, le projet d’école ; d’établir le projet d’organisation de la semaine scolaire ; de donner leur avis et de présenter toutes les suggestions concernant le fonctionnement de l’école ou les questions intéressant la vie de l’école telles que les actions pédagogiques ou l’utilisation des moyens alloués à l’école… (Art. L 411-1 et s. du Code de l’éducation).

- Etablissements du 2nd degré

Le principe est l’autonomie pédagogique et éducative des établissements du second degré sous le contrôle des autorités de tutelle. Les décisions concernant le contenu et l’organisation de l’action éducative sont transmises à l’autorité académique (rectorat pour les lycées, inspection académique pour les collèges) et deviennent exécutoires dans un délai de 15 jours sans réaction de l’autorité de tutelle.

22. La responsabilité d’ordre juridique

L’État assume également une responsabilité juridique. Lors d’activités scolaires, l’État peut être appelé à réparer un éventuel préjudice au titre soit de la responsabilité administrative, soit de la responsabilité civile.

23. La Responsabilité d’ordre politique et d’ordre pédagogique

Le gouvernement et en premier lieu le ministre de l’Éducation ont le pouvoir d’arbitrer les choix politiques en matière d’éducation et de fixer les grandes orientations. Par ailleurs, il revient à l’administration de l’éducation de définir les programmes des différentes matières dans le cadre des objectifs et missions de l’enseignement scolaire.

 3. La responsabilité des élèves, des parents

Le droit fait peser sur les parents une responsabilité du fait de leurs enfants. Tous les parents sont concernés, qu’ils soient légitimes, naturels ou adoptifs. En vertu de l’article 1384 alinéa 4 du Code civil, « le père et la mère, en tant qu’ils exercent le droit de garde, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux ».

31. Une autorité modulable

Mineur, l’élève n’encourt aucune responsabilité légale pour les actes dommageables dont il est l’auteur. Une responsabilité du fait personnel ou des choses en tant que gardien ne pèsera sur lui seulement s’il est âgé de plus de 18 ans ou émancipé après 16 ans. La réparation des dommages causés par l’élève incombera donc soit à l’enseignant fautif, soit aux parents. En contrepartie, le droit leurs reconnaît une certaine autorité sur l’élève qui doit suivre leurs instructions quant à son éducation.

32. Minorité de l’enfant

Tout d’abord, la responsabilité des parents ne joue que si l’enfant, auteur du dommage est mineur. A contrario, leur responsabilité cesse dès que l’élève atteint l’âge de 18 ans ou est émancipé dès l’âge de 16 ans révolu. En effet, comme le stipule l’article 482 du code civil, « le mineur émancipé cesse d’être sous l’autorité de ses père et mère ». De même, selon l’article 476 du code civil, « le mineur est émancipé de plein droit par le mariage ». Il faut préciser que la femme peut contracter mariage dès l’âge de 15 ans révolus. Ensuite, le père ou la mère sont responsables des faits dommageables de leurs enfants uniquement s’ils cohabitent avec eux. Plus que l’autorité parentale, il est exigé une condition de cohabitation.

33. Cohabitation avec l’enfant

Pour les parents vivant ensemble, la cohabitation avec leurs enfants n’est qu’un des éléments de leur autorité parentale qui leur octroie un droit de garde, de surveillance et d’éducation. En contrepartie, les parents sont solidairement responsables des faits de leur enfant. En revanche, pour les parents séparés, même s’ils exercent conjointement l’autorité parentale, le parent responsable est celui qui exerce le droit de garde au moment du dommage. Ainsi, à titre d’exemple, en cas de garde alternée, le parent responsable sera celui chez qui l’enfant habitait le jour où survient le dommage.

Synthèse : d’après site VousNousIls

Sources : Maif.fr, Snuipp.fr, Ac-clermont.fr, Educnet.education.fr, Legifrance.gouv.fr