Accord Vatican - Kouchner sur les masters catho : le gouvernement recule

jeudi 30 juillet 2009


En décembre 2008 a été signé un accord entre le Vatican et le ministre des Affaires étrangères qui stipulait que, désormais, le Vatican pourrait délivrer sur le territoire français (dans ses facs catholiques) des diplômes équivalents aux titres français définis par lui seul et sans contrôle.

Sont bien sûr visés les masters d’enseignement qui permettraient à l’église catholique de conformer les futurs enseignants du privé à ses préceptes, au mépris des recherches scientifiques et de la liberté de conscience des élèves et des maîtres.

Cet accord était officialisé par un décret du 19 avril 2009, et les centres de formation catholiques d’enseignants s’empressaient de sortir les « maquettes » des futurs masters qu’ils délivreraient.

Cependant, les réactions des universitaires et de nombreuses organisations imposent au gouvernement une reculade, comme le présente l’article du Monde ci-dessous.

Le SUNDEP, totalement opposé à ce projet, a lui-même pris position par un communiqué commun avec Solidaires et Sud Education (présenté ci-dessous) qui demande l’abrogation du décret. Un recours en Conseil d’Etat est engagé par ailleurs.

Enfin, chacun peut signer la PETITION du Collectif pour la promotion de la Laïcité.

L’éditorial du Café pédagogique du 13 mai démontre le caractère anticonstitutionnel de cet accord, en l’étayant à partir d’éléments juridiques.

Article du Monde sur l’accord France-Vatican : une réflexion est « encore nécessaire »

Jugé « mal ficelé » par nombre de connaisseurs du sujet, le dossier de l’accord entre le Vatican et la France sur la reconnaissance des diplômes universitaires continue d’embarrasser les pouvoirs publics. Face aux questions soulevées par cet accord controversé, le ministre des affaires étrangères lui-même estime qu’il n’est pas définitivement bouclé.

« Une réflexion est encore nécessaire », nous a déclaré le ministre des affaires étrangères et européennes, Bernard Kouchner, évoquant l’éventualité de faire ratifier ce décret, ayant valeur de traité international, par le Parlement.

Signé en décembre 2008, paru au Journal officiel après quatre mois d’atermoiements, en avril 2009, ce décret prévoit que la France s’engage à reconnaître les diplômes canoniques et profanes délivrés par les « universités catholiques, les facultés ecclésiastiques et les établissements d’enseignement supérieur dûment habilités par le Saint-Siège ».

Une décision qui constitue de fait une entorse au monopole de la délivrance des diplômes par l’Etat, via les universités publiques, mais que le président de la République, lors de son discours de Latran en décembre 2007, avait en quelque sorte promise.

M. Sarkozy avait alors regretté que l’Etat « répugne à reconnaître la valeur des diplômes délivrés dans les établissements d’enseignement supérieur catholiques alors que la convention de Bologne le prévoit » et qu’il « n’accorde aucune valeur aux diplômes de théologie ».

Les discussions entre le ministère des affaires étrangères et le Vatican se sont alors engagées pour satisfaire à la fois au processus de Bologne, qui vise à construire un espace européen de l’enseignement supérieur avant 2010, et au concept de laïcité positive, défendu par M. Sarkozy.

Mais toutes les implications d’un tel accord n’ont pas été évaluées, et ce dossier s’est révélé conflictuel : les présidents d’université publique et le camp laïque se sont mobilisés ; des recours ont été déposés devant le Conseil d’Etat. Sont apparues aussi en toile de fond des interrogations sur le financement de l’enseignement privé en contrepartie d’un droit de regard sur les programmes.

Aujourd’hui, la reconnaissance des diplômes de l’enseignement supérieur catholique passe par des conventions au cas par cas avec les universités publiques. « En incluant diplômes canoniques et profanes, on est allé trop vite et trop loin ; il fallait s’en tenir aux diplômes canoniques », estime un proche du dossier. Dans ce contexte, le Vatican se donne du temps pour établir la liste des formations qu’il souhaite viser.

Stéphanie Le Bars, Le Monde

Communiqué SOLIDAIRES - SUD EDUCATION - SUNDEP du 24 mai 2009

Un décret paru au JO du 19 avril 2009 officialise un accord signé avec le Vatican le 18 décembre 2008.

Par cet accord, le gouvernement et le chef de l’État français autorisent le Vatican :
 à définir et délivrer des diplômes universitaires catholiques qui bénéficieront de l’équivalence automatique avec les titres français,
 à désigner sur le territoire français des établissements d’enseignement supérieur qui délivreront ces diplômes.

Il entérine un abandon de souveraineté total de l’État à l’Église catholique, en lui concédant de dispenser des diplômes (doctorat, master, licence) sur le territoire français sans aucun contrôle, contrairement à l’article L731-14 du Code de l’Éducation qui interdit à un établissement privé l’attribution de ces titres nationaux.

Surtout, son application à la formation des maîtres de l’enseignement privé sous contrat avec l’État [1] va avoir un effet multiplicateur beaucoup plus large.

En effet, le privé sous contrat scolarise 17% des effectifs des jeunes scolarisés, et des études montrent, qu’en France, près de la moitié des enfants passent à un moment ou à un autre par le privé (à plus de 90% catholique).

Le choix religieux est très minoritaire : il concerne moins de 7% des élèves d’après une étude déjà ancienne, et seulement 4% des familles confient au privé tous leurs enfants et pour toute la durée de leur scolarité primaire et secondaire.

Pour l’Église, maîtriser le contenu de la formation des professeurs du privé rentre donc dans une volonté de reconquête de son audience perdue dans la société française.

Dans le « statut de l’enseignement catholique » (1992), les évêques français précisent que, pour eux, « L’École catholique est un lieu d’évangélisation, d’action pastorale, non par le moyen d’activités complémentaires, parallèles ou parascolaires, mais par la nature même de son action directement orientée à l’éducation de la personnalité chrétienne ».

Ce discours clairement prosélyte s’accompagne d’une volonté d’orienter le contenu des matières d’enseignement dans le sens des préceptes catholiques [2].

Cet accord donne ainsi au Vatican la possibilité d’orienter l’éducation d’un grand nombre d’élèves et d’étudiants de la République.

Face à cette attaque directe contre la laïcité, qui aggrave la destruction du service public d’éducation nationale, l’Union syndicale Solidaires, dont nous sommes membres, tient à rappeler ses positions :
 défendre la laïcité, c’est aussi refuser de voir la société s’orienter vers une juxtaposition de communautés religieuses ou ethniques fonctionnant chacune avec ses règles dans un monde cloisonné par les croyances ou les origines ;
 l’éducation scolaire est une fonction qui doit être garantie par la société toute entière. Elle ne peut donc se dérouler que dans un espace public et laïque.

Contre le dualisme scolaire, l’Union syndicale Solidaires revendique l’unification du système éducatif, seule garante d’un droit universel à l’éducation, et d’une ouverture au monde dégagée des préjugés religieux ou culturels, dans le respect des principes laïques.

En conséquence, nous dénonçons cet accord
 qui veut ignorer l’article 1er de la constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion » ;
 qui remet en cause la maîtrise par l’Etat de l’attribution des diplômes nationaux ;
 qui méprise le principe de liberté de conscience des élèves et des enseignants.

Nous demandons l’abrogation du décret du 19 avril 2009.

[1] Le Vatican a déjà soumis les maquettes de sept masters de formation des enseignants, dispensés dans les sept « universités » catholiques françaises (Angers, Lille, Lyon, Montpellier – Marseille, Dijon, Paris, Toulouse) avec la volonté de les ouvrir dès septembre 2009. Un module de formation « Être contractuel de l’État dans un établissement privé sous contrat » serait rendu obligatoire pour ceux qui auraient suivi un parcours de master dans une université publique pour être recruté dans l’enseignement catholique.

[2] Un site (qui dépend de Formiris, association privée qui gère les fonds de la formation des maîtres du privé et qui est totalement financée par l’État) donne d’ailleurs les orientations catholiques qu’il convient de donner à chaque matière (histoire, sciences de la vie et de la terre, math…).