Un trompe l’œil : la réforme des Conseils de Prud’hommes.

lundi 10 octobre 2016


L’impérieuse nécessité de « simplifier » le code du travail afin de « favoriser » l’emploi éclate dans la réforme des CPH*.

Elle s’articule autour des points suivants :
A) Renouvellement des CPH.

En Décembre 2014 notre gouvernement socialiste a brutalement rompu avec une pratique existant depuis 1979 . Les conseillers prud’hommes ne vont plus désormais être élus par leurs pairs mais désignés par les organisations syndicales et nommés par le gouvernement pour une durée de 4 ans. Le nombre de sièges sera attribué en fonction des suffrages obtenus au niveau départemental par chaque organisation. Les listes doivent respecter le principe de parité hommes/femmes. Les litiges relatifs à ces nominations relèvent de la compétence du juge administratif.
Ces dispositions qui résultent de l’ordonnance du 31 Mars 2016 entrent en vigueur le 01 Février 2017.

B) Modalités de saisine.

• Le bureau de conciliation devient bureau de conciliation et d’orientation. Au terme du décret n°2016-660 du 20 Mai 2016 il dispose de prérogatives élargies. Il est supposé développer la conciliation et favoriser les modes alternatifs de résolution des conflits.
Cette évolution relève en réalité de la technique « de la poudre aux yeux ». En effet le décret sus- mentionné , impose lors de la saisine du CPH la rédaction d’une requête contenant un exposé sommaire des motifs de la demande accompagnée des pièces justificatives produites à l’appui de la demande . Elles doivent être énumérées dans un bordereau annexé à la requête. Ainsi donc dès ce stade il sera préférable que le justiciable soit assisté d’un avocat ou d’un défenseur syndical afin d’éviter les embuches de la procédure.
En apparence il s’agit d’une disposition qui évite les reports d’audiences mais que se passera-t-il si le défendeur n’envoie pas ses conclusions ou les envoie à la veille des plaidoiries ? Le bénéfice de cette règle en sera largement compromis.
Quant à la comparution volontaire des parties cela pourrait sembler risible si l’on ne se trouvait en face de situations bien souvent dramatiques. ( salaires et/ou heures supplémentaires non versés, documents obligatoires non délivrés etc…

• Le défenseur syndical. Depuis le 1er Août 2016 il remplace les délégués des organisations syndicales dans leur rôle d’assistance des justiciables auprès des CPH. La DIRECCTE* établit des listes de défenseurs par région pour 5 ans sur propositions des syndicats . Nouveauté : le défenseur peut représenter le salarié en appel. Pour accomplir sa tâche il bénéficie désormais d’un statut et donc de moyens : 10H par mois dans les entreprises de 11 salariés et plus ; 2 semaines de formation par mandature. Le défenseur syndical rentre dans la catégorie des salariés protégés.

C) Elargissement du rôle du rôle du BCO*

• Développement de la médiation : au terme de l’article L 1454-1 du code du travail, le BCO doit concilier les parties. Il peut aussi orienter l’affaire devant l’une des 3 formations du bureau de jugement :

1) Le bureau de jugement « classique » composé de 2 conseillers employeurs/2 conseillers salariés.
2) Le bureau de jugement en formation retreinte : 1 conseiller employeur/ 1 conseiller salarié. Cette nouvelle procédure concerne les litiges portant sur un licenciement ou sur une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail , elle suppose l’accord des parties . Il est prévu que ce bureau statue dans les 3 mois. Elle vise à réduire les délais d’attente qui pénalisent lourdement le salarié
Peut-on sérieusement penser que ce point sera respecté alors que les juridictions prud’homales manquent dramatiquement de moyens tant humains que matériels ?
3) Le bureau de jugement présidé par le juge départiteur qui est non plus un magistrat du TI* mais du TGI*

• Mise en état du dossier ce qui devrait éviter des renvois en cours d’audience et donc des retards de décision le plus souvent préjudiciables aux demandeurs.
• Possibilité de statuer en tant que bureau de jugement lorsqu’une des parties s’abstient de comparaître personnellement ou de se faire représenter. Le bureau statuera au vu des pièces communiquées par la partie comparante. Mais attention le demandeur devra avoir communiqué ses pièces et conclusions à son contradicteur avant l’audience par lettre RAR* afin de pouvoir en justifier.
• Intervention de la Cour de Cassation : lorsqu’une question nouvelle de droit se pose la juridiction peut , avant de statuer, solliciter l’avis de la Cour de Cassation.

En résumé : une procédure plus complexe qu’auparavant, dans laquelle l’importance de l’écrit se renforce et qui apparaît en opposition avec la volonté affichée de « réduire » les délais.
On note une nouvelle fois la contradiction entre les déclarations trompeuses de ce gouvernement à l’égard des salariés et la réalité des dispositions législatives et réglementaires qui visent à satisfaire le patronat. Les manifestations organisées suite à la loi Travail illustrent parfaitement cette situation schizophrène qui compromet la cohésion sociale sans parler des déclarations aussi fracassantes que maladroites dont nous abreuvent quotidiennement des trublions en tout genre.

La rénovation de la pensée socialiste doit-elle obligatoirement passer par l’allégeance béate au libéralisme pur et dur ? N’a-t-elle pas le devoir de promouvoir un partage équitable de la valeur ajoutée des entreprises afin de garantir à chacun une juste rémunération ?

• CPH : Conseil de Prud’hommes
• DIRECCTE : Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.
• BCO : Bureau de conciliation et d’orientation
• TGI : Tribunal de Grande Instance