Quand le patronat choisit notre adhésion…à une mutuelle

mercredi 24 mai 2017


Depuis le 1er janvier 2016 les employeurs ont obligation de prendre en charge une complémentaire santé, à hauteur de 50 % conformément au décret n°2011025 du 8 septembre 2014. Cette obligation est issue de l’Accord National Interprofessionnel (ANI) sur la compétitivité et la sécurisation de l’emploi daté de juin 2013.

Si la loi impose la prise en charge d’une complémentaire santé à l’employeur, celui-ci est maitre de choisir l’assureur ou la mutuelle de son choix. Les organisations syndicales peuvent recommander un organisme à condition d’appliquer une mise en concurrence préalable, la décision finale restant au bon vouloir du patron.
Un accord collectif est possible. Si un accord est établi, tous les salariés ont obligation de cotiser à la complémentaire que l’employeur a choisi avec les organisations syndicales. Un salarié ne peut se soustraire à ce contrat qu’à certaines conditions très limitées en apportant un justificatif et en renouvelant sa démarche chaque année.

De telles pratiques existaient déjà dans des entreprises et des établissements privés. Mais ni la loi, ni la convention collective ne les imposaient. Ces conventions (l’employeur participait à un régime de mutuelles d’entreprise) n’étaient pas imposables. Depuis 2014, la loi de finances a considéré que la participation de l’employeur était une partie intégrante du salaire et donc sujet à l’impôt sur le revenu. En conséquence, plus la participation patronale est importante plus le revenu imposable du salarié augmente. Les salariés qui cotisent déjà pour la sécurité sociale et leur mutuelle voient leur impôt augmenter pour une protection obligatoire.
Le 18 juin 2015, au lieu d’appeler à entrer en résistance face à une telle loi, l’organisation dite syndicale SPELC, ainsi que la CFDT et la CFTC de l’enseignement privé ont signé un accord avec les patrons sans remettre en cause le fond de cette loi qui est une attaque de plus au régime de la sécurité sociale pour tous.
Petit rappel historique du système de la protection sociale : le film documentaire La Sociale de Gilles Perret, sorti en 2016, retrace l’histoire de la sécurité sociale injustement oubliée et donne des raisons de se battre pour la défendre.

Avant la révolution industrielle, les salariés n’avaient pas de protection sociale établie, aucune Solidarité globale par répartition. L’église pratiquait la charité pour telle ou telle situation. Il existait des corporations d’entraide entre ouvriers d’une même profession sans aucune solidarité avec d’autres corporations.
Vers 1850 après que les ouvriers ont créé des caisses de secours pour se couvrir en cas d’accident de travail, arrivent les premières participations patronales. Ces caisses constituent le début du système mutualiste. Il reste inégalitaire suivant que l’on se trouve dans une entreprise avec une forte représentation syndicale ou pas, qui rémunère les salariée plus ou moins fortement… on assiste rapidement à une disparité financière avec même des faillites.
Sous l’impulsion d’Ambroise Croizat, ministre communiste en 1945, qui va en être l’initiateur, la Sécurité Sociale fait évoluer le rôle des mutuelles. L’État intervient pour contribuer à assurer à chacun un revenu dans les différents cas d’interruption de l’activité professionnelle : accident du travail, maladie, chômage et vieillesse. A ses débuts la Sécurité Sociale est gérée par les employeurs qui sont minoritaire face aux organisations salariales. En 1967, la droite au pouvoir change les règles en partageant le pouvoir à égalité entre les patrons et les salariés alors que ces derniers sont les plus nombreux à faire fonctionner l’économie. La Sécurité Sociale est de plus en plus attaquée par le patronat avec la complicité des « syndicats » ouvriers proches des employeurs dont le vote rejoint celui des patrons, qui leur accordent des avantages pour la gestion. Le budget de la Sécurité Sociale n’est pas géré directement par l’État, mais sous la tutelle de la Direction de la Sécurité Sociale avec la prérogative des partenaires dit sociaux.

La Sécurité Sociale n’a jamais remboursé à cent pour cent les frais médicaux. Mais ces frais sont, selon une politique de droite, de moins en moins bien remboursés, avec l’appui des différents gouvernements.

Le système mutualiste toujours existant a pris de plus en plus d’importance pour compléter ce que la Sécurité Sociale ne prend pas en charge. La mutualité en 1945 a été en opposition à la Sécurité Sociale. Le régime mutualiste voyait alors une remise en cause tant de son existence que de son but. Un changement est survenu dans les années 1960 avec les organisations syndicales soutenant tel régime de mutuelle plutôt qu’un autre.

Contrairement au système mutualiste, on n’adhère pas à la Sécurité Sociale c’est une obligation de cotiser. Cette cotisation fait partie intégrante du salaire et l’employeur participe aussi à financer les différentes caisses dont chaque personne bénéficiera un jour ou l’autre (maladie, retraite…). Chaque génération participe de façon solidaire au financement qui est réparti entre tous avec les mêmes droits au remboursement. Sa mise en place n’a pas été sans difficulté.

Le système mutualiste porte aussi une dimension collective et solidaire. Il propose des options. Tout le monde n’était pas obligé d’adhérer à une mutuelle. La liberté d’adhésion était un des principes mutualistes. Les mutuelles comme les organismes qui gèrent la Sécurité Sociale dépendent du code de la Sécurité Sociale qui fonctionne avec des cotisations : chacun paye en fonction de son revenu tout en étant assuré d’une égalité de traitement pour les prestations. Les mutuelles et la sécurité sociale ne fonctionnent que par répartition, on ne peut reverser des bénéficies à des actionnaires.

La nouvelle loi impose à tous les salariés d’adhérer. C’est une orientation dont on peut désapprouver le fondement. Un non croyant n’a pas obligatoirement envie d’adhérer à une mutuelle telle que la Saint-Christophe d’obédience catholique et que l’enseignement privé peut imposer à ses salariés. La CFDT, qui s’est pourtant déconfessionnalisée en 1964 et se déclare laïque, est signataire de la recommandation de cette mutuelle. Pour le SPELC et la CFTC, rien d’étonnant puisque la signature avec le patronat fait partie de leur ADN.

L’Accord National Interprofessionnel (ANI) autorise les compagnies d’assurance à faire acte de complémentaire comme mutuelle. Celles-ci sont gérées dans des démarches de profit, elles ont des comptes à rendre à des actionnaires qui n’ont aucune préoccupation de solidarité mais que leurs actions leur rapportent un maximum. Le risque est grand que les compagnies d’assurance majorent les cotisations en fonction des risques. Ces compagnies sont gérées non pas selon le principe du paritarisme comme la sécurité sociale ou les mutuelles mais dans le monde de la finance. Comment peut-on signer un accord qui ouvre la possibilité d’obliger des salariés à financer une société d’assurance qui va à l’opposé de leur éthique ?

Plus grave ces mutuelles et assurances complémentaires, imposées par la loi à tous les salariés, n’assurent aucune protection à tous ceux qui ne sont pas dans le monde du travail, les chômeurs, les enfants, etc… De nouvelles disparités apparaissent du fait d’une rupture de la solidarité entre l’ensemble des bénéficiaires du régime social. Au sein d’une même famille chaque membre risque d’appartenir à plusieurs régimes différents.

Le SUndep-Solidaires Sud enseignement privé défend un régime à 100 % Sécurité Sociale et se prononce pour l’abrogation de la Loi ANI, qui n’est que les prémisses de la loi Travail El Khomri.

A ce jour la Sécurité Sociale ne prend pas en charge à 100 % les frais de santé. Le SUndep-Solidaire réclame la liberté de choix de sa mutuelle au nom de la liberté de conscience.