1er degré : Résister face aux nouvelles évaluations en CP

vendredi 22 septembre 2017


Le ministère demande à ce que tous les enseignants en CP mettent en place les évaluations d’entrée au CP...Encore....pourquoi faire ?

Le ministère annonce que « cette évaluation souple et rapide permet à chaque professeur de CP d’affiner les éléments diagnostiques qui lui sont fournis par la synthèse des acquis scolaires de chaque élève établie en fin de grande section de maternelle ».

source : article SNUIPP du 12 septembre 2017

Dès leur rentrée au CP, les élèves vont donc plancher sur leurs premières évaluations nationales papier. Ils arrivent de la maternelle qui a banni toute primarisation de la grande section et c’est bien là le premier écueil. Elles sont denses et requièrent une méthodologie qui n’apparaît chez les élèves qu’après une longue ritualisation. L’obstacle de leur présentation ne permettra pas forcément de vérifier la maîtrise des compétences visées. Les évaluations risquent d’aboutir à un jugement hâtif sur les élèves.

Décryptage

D’une façon générale, l’absence de présentation de ces évaluations et de leurs objectifs n’aide pas les enseignantes et les enseignants à se les approprier.

Comment dès lors en expliciter les attendus aux élèves et à leurs familles ? Des passations organisées très tôt dans l’année risquent fort également de pénaliser les élèves les plus éloignés de la culture scolaire. On peut aussi craindre que les différences en termes de développement ou d’âge réel se traduisent de façon abusive en un classement en « bons élèves » ou en « élèves en difficulté ». Enfin, la question des effectifs dans la classe n’est pas indifférente. Comment faire passer ces évaluations dans de bonnes conditions à 26 ou 27 enfants ?

Dans le détail

Des problèmes de repérage spatial sur la page : la présentation dense entraîne un détournement des compétences évaluées. L’élève doit en même temps se repérer sur la feuille, la ligne et sur la compréhension du codage utilisé ce qui représente une compétence de haut niveau.

Trop de place au papier crayon au détriment des activités de manipulations. Une présentation qui n’est pas conforme aux pratiques préconisées en maternelle depuis 2015.

Un temps de passation à la fois trop long et trop réduit. En ce début d’année, les élèves de CP auront des difficultés à rester concentrés 20 minutes et ne pourront réaliser l’ensemble des tâches préconisées durant ce temps. De même, chaque item requiert des temps courts totalement inadaptés aux rythmes des élèves en début de CP.

La compréhension des consignes : pour beaucoup, cette évaluation relèvera d’une situation inédite, le repérage et l’organisation de la tâche seront alors coûteux. Ce biais important pour la réussite de la tâche sera difficile à isoler et à corriger.

Un seul exercice pour vérifier l’acquisition d’une compétence : pas de croisement entre les items pour vérifier par plusieurs entrées l’acquisition de la compétence.

La valeur des items est la même quelle que soit la difficulté de l’exercice

Une sur-représentation de la grapho-phonologie. Le risque est réel d’à nouveau faire de la maternelle une antichambre du CP, avec des exercices renforcés dans ces domaines reléguant ainsi au second plan les expérimentations, manipulations et travaux sur le sens indispensables.

Le Sundep Solidaires dénonce la « primarisation » de l’école maternelle. Les enjeux de la maternelle sont importants et suffisamment nombreux comme développer en priorité le langage oral , découvrir l’écrit, s’acculturer et commencer à construire une première culture littéraire chez les élèves, favoriser la vie sociale pour devenir un élève est primordial ; comprendre les codes de l’école pour réussir et s’émanciper dans leur vie future.

La compréhension de l’écrit est à la trappe dans ces évaluations. Aucun recueil des compétences des élèves pour identifier les personnages, le schéma narratif (élément déclencheur, suite d’actions, modification de l’état du personnage principal entre le début et la fin du récit, etc.) n’est proposé. Absence de la compréhension de l’implicite.

Une absence de référence à des écrits fonctionnels. La fréquentation et la connaissance de divers types d’écrits n’est pas prise en compte, l’acculturation à la littérature, pas davantage.

Pas de production d’écrit sous forme de dictée à l’adulte. La production d’écrits est réduite à une situation d’encodage basique, coupée d’un projet d’écriture qui lui donnerait du sens et d’un lien avec une œuvre de littérature connue (contexte motivant : imaginer la suite, construire une fin alternative). Aucune situation d’interaction langagière individualisée ou en petits groupes alors que ce type d’exercice témoignerait des apprentissages langagiers réels et des compétences acquises en maternelle.

En mathématiques, les compétences évaluées dans la construction du nombre sont plus conformes aux attendus de fin de cycle1, mais les exercices sont déconnectés d’activités de manipulation. La mise en forme des items reste par ailleurs complexe et peut à elle seule entraîner des non-réussites.

Un codage qui ne valorise pas les réussites. Lors de la correction, le codage requis 1, 9, ou 0 ne permet pas de repérer l’amplitude des réussites et de relever les réussites partielles. Le codage 9 conduira à un traitement indifférencié du groupe d’élèves n’ayant fourni aucune réponse exacte, de ceux ayant 75 % de réussite.

En conclusion

Ces évaluations sont d’évidence en rupture avec les prescriptions des programmes de maternelle : pas de lien avec le carnet de suivi qui va dans le sens d’une observation attentive, continue et qui met l’accent sur les progrès réalisés par l’élève. Une observation qui permet aux équipes d’identifier en temps réel les obstacles à l’apprentissage et d’intervenir rapidement pour aider les élèves à les lever. Ici, pas de phase de manipulation proposée alors qu’elle est privilégiée en maternelle, une évaluation sur fiches alors que les programmes de 2015 invitent à s’en affranchir. Pas de possibilité non plus d’adapter ces évaluations au vécu scolaire des élèves et donc d’y introduire des textes que les enfants sont à même de comprendre à l’issue de la maternelle.

Le SUNDEP Solidaires rappelle que les enseignants sont des professionnels et doivent donc rester maîtres du calendrier de passation, comme de l’analyse des résultats et pouvoir adapter ces évaluations à la réalité de la classe et de l’école .

Nous proposons aux enseignants de garder ces résultats au sein de l’école et d’en faire une analyse en travail de cycle et faire remonter les besoins de remédiation issus de cette analyse (maitres spécialisés, formation...).