Résolution de congrès : Pour une école démocratique

samedi 5 janvier 2008


Notre congrès de novembre 2007 a adopté le texte suivant concernant nos analyses et revendications par rapport aux évolutions du système éducatif.

Pour une école démocratique

 Préambule

Le débat autour de l’école se situe en France, plus que jamais, au niveau idéologique. Les partis pris, affirmations à l’emporte-pièce des porte-parole de la droite, actuellement dominante dans le débat, nous imposent de nous situer à ce niveau si nous voulons défendre nos positions.

Il nous faut aussi clarifier nos orientations dans notre propre camp, car beaucoup de nos camarades sont très perturbés. Face aux difficultés du métier, ils doutent de leurs idéaux et adoptent un discours de repli.

Les deux courants conservateurs dominants, complémentaires (l’un sert à faire avaler les reculs de l’autre), relèvent de la traditionnelle idéologie de droite :
 une vision néo-conservatrice, nostalgique d’une école du passé largement idéalisée (ordre, respect pour les enseignants, savoirs limités maîtrisés « à vie ») ;
 une vision ultralibérale, basée sur le choix (par les seuls parents consommateurs) de leur école, d’indices de performances quantitatifs permettant l’organisation d’un marché de l’éducation, d’un pilotage par des « chefs », dotés de pouvoirs élargis, de structures très autonomes.

La gauche n’a plus actuellement de vision globale, mais des pensées parcellaires portées par des mouvements d’éducation populaire ou pédagogiques, ainsi que par quelques auteurs aptes à une pensée originale et structurée au milieu du flot des propagandistes et des porteurs de clichés.

Il nous faut éviter le seul discours de résistance, même si l’école que nous voulons est le plus souvent à contre valeur, s’inscrivant dans la longue durée plutôt que dans le court terme spectaculaire, dans la médiation plutôt que dans la contrainte, dans la promotion des valeurs humaines plutôt que dans la soumission à la seule mesure de la valeur par l’argent.

Pour le privé, nous voulons développer une pensée autonome, émancipatrice pour les élèves et les personnels, plutôt que la soumission aveugle à l’autorité, c’est-à-dire à l’Institution.

Nous privilégions ici la contribution de l’école à la démocratie, car cela permet :
 d’envisager la question de l’égalité d’accès de tous les enfants au système éducatif, comme celle de l’équivalence de sorties des jeunes, la réduction de l’échec scolaire devant résulter de l’abandon de la logique sélective du système éducatif français ;

 de définir un autre modèle de pilotage qui fasse droit à tous les acteurs du système éducatif (dont les élèves, les personnels salariés) et qui s’oppose à la fois à la promotion des « chefs » observée depuis quelques années, et à la régulation par la seule concurrence ;

 d’ausculter l’enseignement privé, financé par l’État, en regard de son utilité sociale au service de tous les Français, et non pas au service de quelques-uns.
En effet celui-ci, qui reçoit désormais des financements à peu près équivalents à ceux versés aux établissements publics, ne satisfait pas aux mêmes obligations d’accueil ou de mixité sociale. Il est au contraire utilisé comme un moyen de contournement de cette mixité, fragilisant en cela l’exécution des missions du service public de l’éducation.

Ce texte se situe dans le prolongement de notre réflexion ouverte au congrès de St Etienne, en novembre 2004.

 1. Les missions du système éducatif

Ces missions doivent répondre au droit à l’éducation et à la formation de tous les enfants vivant en France.

Au-delà, le système éducatif a pour but, dans le respect de la personnalité de chacun :
 de donner à chaque élève le moyen d’acquérir une culture générale et une qualification reconnue, quelle que soit l’origine sociale, culturelle ou géographique des élèves ;
 de l’aider à développer de manière équilibrée sa personnalité, sa créativité, son esprit critique ainsi que ses aptitudes intellectuelles, manuelles, physiques, artistiques et citoyennes ;
 de rendre chaque élève progressivement conscient de son appartenance au monde qui l’entoure, en éveillant en lui le respect d’autrui, l’esprit de solidarité ;
 de préparer chacun à participer à la vie sociale, culturelle, civique, politique et économique du pays ;
 de supprimer les inégalités. L’école doit notamment s’engager à favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes, et refuser toutes les discriminations.

 2. Pour l’ouverture à tous du système éducatif

Dans la période récente, le droit à l’éducation a progressé en France selon deux vagues :
 la mise en place du collège unique : elle a permis de dépasser les filières (CES/CEG/CET puis classique/moderne/technique) qui enfermaient les élèves, et donc de permettre à tous les élèves de s’inscrire dans la logique d’une scolarité obligatoire unifiée.
Cette démocratisation scolaire a permis, pour une partie des bénéficiaires, une réelle promotion sociale. Cependant, la conservation d’une structure pédagogique héritée de la filière la plus élitiste a maintenu la logique sélective et handicapé la prise en compte des difficultés du plus grand nombre.
Cela se paie par la démoralisation de certains élèves, ainsi que par la maîtrise incomplète des savoirs et savoir-faire enseignés pour une minorité importante.

 la généralisation de l’accès au bac à partir des années 1985 : elle a effectivement permis une élévation du niveau des élèves. En quelques années, la proportion de bacheliers parmi les jeunes d’une même génération est passée d’un tiers à plus de deux tiers.
Mais la hiérarchisation implicite des bacs (du bac S aux bacs pro) induit et même renforce la logique sélective et ne permet pas une poursuite d’étude ou de formation égalitaire.

L’enseignement supérieur qui, comme le montre des études récentes, a lui aussi connu une massification des effectifs (surtout dans les filières courtes qui permettent généralement une bonne insertion professionnelle), est victime d’une inégalité dans la répartition des moyens entre grandes écoles (où se concentrent les enfants des catégories sociales les plus aisées), et filières universitaires, au détriment de ces dernières qui accueillent les jeunes les moins armés socialement et scolairement.

Les gouvernements de droite ont, ces dernières années, désinvesti dans l’éducation, et veulent remettre en cause le collège unique ainsi que l’accès au bac pour tous. Cette politique absurde, qui ne répond pas à la nécessité d’intégration de tous et à l’élévation des qualifications dans une société moderne, est justement l’inverse de celle engagée dans la plupart des pays du monde qui considèrent l’éducation comme la première des priorités.

Au contraire, nous revendiquons la relance de l’ouverture à tous du système éducatif, mais aussi l’abandon de toutes les logiques sélectives.

Le SUNDEP se prononce :
 pour le droit à l’école pour tous, et donc contre les politiques de limitation de l’accès au collège, au bac ou à l’enseignement supérieur ;
 pour la défense du collège unique, contre la restauration de filières closes ;
 pour un bac passeport vers l’enseignement supérieur, permettant la diversité des enseignements et l’acquisition d’une culture générale solide, et dont la validation reste organisée dans le cadre d’un examen terminal ;
 pour un enseignement réellement adapté à la diversité des élèves ;
 contre la réforme de l’université, qui vise à la privatisation progressive du système éducatif, logique qui s’annonce prochainement au lycée.

 3. Contre la mise en place d’un marché de l’éducation, pour une école unifiée et laïque.

 3.1 L’École au service des marchés

Depuis les années 90, La Table Ronde des industriels Européens (ERT, European Round Table) relayée par la Commission Européenne (Livre Blanc sur la croissance et l’emploi) prône la mise en place d’un marché de l’éducation au seul service des entreprises : « Economie de la connaissance », « formation tout au long de la vie » , « capital humain », « employabilité », « compétences » ... autant de notions que l’on retrouve dans la stratégie de Lisbonne en 2000 et qui inspirent toutes les réformes actuelles du système éducatif Français.

Ainsi, « la formation tout au long de la vie » ne doit pas se comprendre comme un droit à la formation mais bien comme la nécessité d’adapter les formations aux besoins des marchés : chacun se fabriquera son propre « capital d’éducation » selon ses besoins et surtout selon ses moyens.

De même, la promotion des compétences doit être comprise comme la remise en cause des diplômes et des formations qualifiantes avec les garanties (statuts, conventions collectives ...) qui y étaient attachées. Cette accumulation de compétences variées (lecture, calcul, notions d’Anglais, utilisation des TICE), censée augmenter « l’employabilité » est la porte ouverte à la formation et à l’évaluation par et pour les entreprises.

Dans ce contexte, l’abandon des logiques de service public est à l’ordre du jour, ainsi que la flexibilité du travail des enseignants eux-mêmes, dont le statut de fonctionnaire est interprété comme une « rigidité ».

Favoriser la privatisation du système est bien sûr au programme, mais l’application de critères issus de l’entreprise peut se révéler tout aussi destructeur. L’aménagement du temps scolaire peut alors se faire en fonction des contraintes de garde des parents « clients » (par exemple pour l’abandon du samedi matin).

Ces dernières années, l’introduction de la LOLF (loi organique relative aux lois de finances, nouvelle démarche d’élaboration du budget, selon des objectifs de rentabilité), ainsi que la généralisation des procédures d’audit auront transformé l’action de l’État en seul gestionnaire de « coûts ».

La volonté de « gains de productivité », notion absurde quand il s’agit de mesurer le nombre d’enseignants devant une classe, a entraîné des coupes sombres dans les recrutements, la flexibilisation des postes par le recours aux heures supplémentaires, la volonté d’augmenter le temps de travail des enseignants.

 3.2 La libre concurrence comme outil de régulation

Les conservateurs veulent promouvoir la concurrence entre des établissements autonomes, et le « libre choix » de l’école par les parents, lesquels sont censés stimuler les équipes pédagogiques.
Le bilan des expériences américaines ou anglaises montre que ces choix n’ont pas amélioré les performances scolaires et ont contribué, par la création de ghettos scolaires, à fragiliser les élèves les plus faibles.

Ce sont au contraire les systèmes qui, dans l’enseignement obligatoire, mélangent le plus possible les élèves de niveaux scolaires et de conditions sociales différentes qui sont les plus efficaces.
Mais cette mixité, pour réussir, doit s’accompagner de moyens spécifiques pour permettre un suivi de chaque élève dans sa progression scolaire, ainsi que la mise en place d’outils de remédiation.

L’école française connaît déjà les déséquilibres entre établissements publics élitistes, offrant un grand choix d’options, et d’autres défavorisés car moins bien dotés en moyens et en enseignants expérimentés.
Cette concurrence est cependant amplifiée par le jeu des établissements privés qui ne sont pas tenus aux mêmes obligations de mixité sociale et d’accueil des élèves les plus en difficulté.

l’État encourage encore la marchandisation de l’école en favorisant fiscalement (au seul profit des plus aisés) les cours de rattrapage, de soutien dans des officines privées du secteur lucratif. Désormais certaines formations (médecine…) imposent quasiment ce recours.

 3.3 Des « chefs » qui imposent ?

Par ailleurs, les gouvernements libéraux veulent renforcer le pouvoir des chefs d’établissement pour imposer aux écoles une logique managériale importée du milieu économique. Celle-ci conduit à des logiques absurdes de productivisme et de réduction des coûts, et favorise les comportements autocratiques, le népotisme.

Au contraire, les capacités à animer, libérer les initiatives, engager un travail de long terme avec toutes les composantes de l’établissement devraient être valorisées dans ces fonctions.
En effet, l’efficacité d’un établissement dans sa réponse aux besoins éducatifs et pédagogiques des élèves dépend de l’engagement de tous les acteurs.

Il faut donc renforcer les droits individuels et collectifs des personnels qui permettent l’expression et la prise d’initiative de tous. Pour ceux qui existent déjà (conseils d’école, de perfectionnement …), leur application doit être intégrale dans l’enseignement privé.

D’autres sont à créer : notamment, des « droits collectifs des enseignants » qui leur permettent de gérer des moyens en autonomie (plages horaires spécifiques, budget pour matériel, interventions extérieures...), de décider collectivement d’aménagements scolaires (activités transversales, voyages pédagogiques, voire autonomie pour certaines parties du programme...).

En effet, une autonomie relative des équipes pédagogiques peut être envisagée, mais encadrée par des règles communes fixées obligatoirement au niveau national pour garantir un fonctionnement minimum de qualité. Cette autonomie ne doit cependant pas être un moyen, souvent constaté dans le privé, de s’affranchir des obligations légales, ou du respect de contre-pouvoirs.

 3.4 Une école unique

D’autre part, la logique des écoles confessionnelles les conduit à promouvoir une vision du monde selon le filtre de leur propre dogme, filtre qui se renforce de façon inquiétante dans les établissements confessionnels français.
L’obligation de respecter les règles laïques doit s’imposer sans limitation dans les écoles confessionnelles.

Enfin, l’école et ses financeurs (État et collectivités locales) doivent rendre l’école effectivement gratuite. Les ouvrages et fournitures, transports et repas, activités périscolaires et voyages doivent être pris en charge financièrement par la collectivité publique. Ils doivent bien sûr être fournis sans discrimination liée à l’origine, aux croyances ou aux pratiques culturelles.

Les personnels doivent de la même façon voir leurs dépenses professionnelles prises en charge.

C’est pourquoi le SUNDEP revendique
 l’unification du système éducatif, seule garante d’un droit universel à l’éducation, et d’une ouverture au monde dégagée des préjugés religieux ou culturels, dans le respect des principes laïcs ;
 la défense des services publics en France et en Europe, dont celui de l’éducation ;
 une école dégagée des logiques de marché et des techniques managériales, et centrée sur les besoins éducatifs et pédagogiques des enfants ;
 une affectation égalitaire des moyens entre écoles, indépendante de toute logique de concurrence ;
 une totale gratuité dans et autour de cette école unique, assurée par la collectivité publique.

 4. Pour le maintien d’une scolarisation dès 2 ans

Nombre d’études internationales montrent que, pour beaucoup d’enfants dont ceux issus des milieux les moins favorisés, la scolarisation précoce est un moyen de réduire les inégalités devant l’école, en permettant à chaque enfant de se développer harmonieusement et d’aborder progressivement les apprentissages.

Or, les gouvernements de droite, pour des raisons idéologiques (rien ne remplace la mère) et surtout financières, suppriment toute possibilité de scolarisation des enfants de moins de 3 ans, renvoyant la charge aux communes, qui ne peuvent qu’y répondre de manière inégale.

Nous dénonçons cette décision et demandons le développement de la scolarisation en maternelle dès 2 ans, selon les souhaits des parents.

 5. La démocratie dans l’école

À la suite de changements profonds dans la société, le statut de l’enfant relève désormais de la liberté négociée au sein de la famille ou de l’école, qui doit cependant lui garantir une protection car il s’agit d’êtres en devenir.
Ceci rend totalement illusoire un retour à l’avant 1968 prôné par le pouvoir et demande au contraire la mise en place d’une véritable dimension démocratique dans le système éducatif.

Elle doit permettre à tous les enfants de se voir reconnus en individus libres, autonomes et capables d’exercer leurs droits. C’est aussi le préalable à l’apprentissage de la diversité dans une société devenue multiculturelle.

Nous dénonçons l’extension prévue du fichier base Élève à toutes les écoles, publiques comme privées. En effet, ce fichier est, depuis la loi de la Prévention de la Délinquance, accessible aux maires, policiers, magistrats, enseignants et travailleurs sociaux, et présente, comme tout dispositif informatique, des risques de piratage.
Par ailleurs, il y a risque de dérives : utilisation pour la poursuite d’enfants « sans papiers », de repérage d’élèves « difficiles », de suppression d’allocations…
La logique même du fichage des individus doit être combattue.

 6. Pour une École qui permette l’émancipation intellectuelle de tous

Les contenus et méthodes de l’enseignement privilégient actuellement les classes sociales les plus aisées et favorisent une approche élitiste des connaissances. Il faut donc promouvoir des contenus et méthodes plus diversifiés, plus en phase avec la société contemporaine.

 6.1 En école primaire et maternelle

Les réformes de ces dernières années tendent à replier l’enseignement sur une interprétation passéiste du « lire-écrire-compter » au détriment de l’ouverture à l’ensemble des savoirs et à l’éveil.

Les réformes se traduisent le plus souvent par un alourdissement de la charge de travail des enseignants.

A travers le PPRE – programme personnalisé de réussite éducative – l’élève en difficulté est rendu responsable de son échec.

 6.2 En collège

Le SUNDEP se prononce pour le maintien du collège unique avec des moyens appropriés.

La notion de socle commun de connaissances, associée à la volonté de favoriser l’orientation précoce de certains jeunes vers l’apprentissage, est une façon détournée de réintroduire les filières qui prévalaient avant le collège unique.

Le collège doit au contraire donner à tous les jeunes une formation riche et diversifiée qui en fait de futurs citoyens autonomes aptes à analyser le monde en mutation rapide qui les entoure et capables de maîtriser leur orientation.

Pour atteindre ces objectifs, un suivi individualisé des jeunes est indispensable ainsi que des possibilités d’enseignements permettant de pallier les difficultés observées chez certains élèves. La mise en place de l’environnement nécessaire impose un accroissement conséquent de la concertation au sein du corps enseignant avec l’aide, entre autres, de psychologues scolaires.

Le SUNDEP revendique l’intégration d’un temps de concertation ou de suivi individualisé dans l’obligation de service des enseignants associé à une réduction du nombre d’heures de cours hebdomadaires.

 6.3 En Lycée

Nous dénonçons la logique qui conduit à un appauvrissement de la formation et qui supprime, par la réduction du choix offert aux élèves, un facteur de motivation important, par exemple la suppression d’options au baccalauréat et de filières.

Le maintien des diplômes de fins de cycle est indispensables et ils ne sauraient être remplacés par :
 un contrôle continu,
 une « certification » des seules compétences.

 7. La prise en compte du handicap

Le système éducatif a pu pécher dans l’insertion des jeunes souffrant de handicaps. Il ne peut y répondre qu’en adaptant ses structures aux besoins de ces jeunes, ce qui exige des moyens adaptés.

Mais les actuelles mesures prises, sous couvert de générosité, cachent en fait un désinvestissement de l’État et des conseils généraux. En effet, les enfants jusque là pris en charge par l’enseignement spécialisé sont pour beaucoup intégrés dans les écoles par le biais des CLIS en 1er degré, UPI dans les collèges.
Si ces structures conviennent à certains élèves, elles sont inadaptées pour d’autres sans que leur soit proposée une solution, et alors que des places dans l’enseignement spécialisé adapté disparaissent.
C’est une logique d’économie qui prévaut au détriment des enfants.

Le SUNDEP demande qu’une politique d’ampleur soit engagée, qui maintienne là où ils sont nécessaires les établissements de l’enseignement spécialisé, et développe les réponses individualisées pour tous les enfants dont les besoins d’éducation ne sont pas satisfaits, en cohérence avec les moyens existant dans le domaine de la santé.

 8. La place de l’enseignement privé

 8.1 Les tentations de l’enseignement privé

En 1958 l’enseignement privé, très majoritairement catholique (à 97%), était très imbriqué dans une société encadrée par l’institution religieuse dominante, l’église catholique. Ce monde-là s’est écroulé avec la baisse considérable des pratiques religieuses (la part des Français qui assistent à la messe du dimanche est passée de 37% en 1948 à 8% en 2006), ce qui a amené la fin d’un encadrement par des membres du clergé et un relâchement relatif du contrôle par l’église catholique des écoles confessionnelles.

Cependant, depuis peu la réaffirmation de l’église catholique dans la sphère publique passe par une tutelle de plus en plus serrée sur les établissements privés. Le même mouvement s’observe pour les établissements de confession juive.

Cela se manifeste par une volonté de contrôle des chefs d’établissement (du premier comme du 2nd degré), un filtrage lors du recrutement des enseignants selon des critères religieux et l’essai de leur mobilisation unanimiste par la mainmise sur la formation et par des journées nationales liées au caractère propre (assises pour l’enseignement catholique notamment).

Les évêques français, qui s’arrogent la tutelle confessionnelle, veulent aller plus loin encore en imposant une orientation des enseignements (« façon chrétienne d’enseigner les maths »), l’obligation de formation religieuse pour tous les élèves, voire l’application d’un statut plus « contraignant » pour les enseignants (« entreprises de tendance »).

 8.2 Toujours plus de moyens

Les responsables du privé sous contrat veulent profiter de leur connivence avec le pouvoir pour obtenir plus de moyens en postes d’enseignants (sortir de la règle des 20%) en avançant des « demandes d’inscription massives », qu’ils disent devoir refuser chaque année.

Pourtant, un examen des chiffres sur le long terme montre plutôt une baisse de la part des enfants scolarisés dans le privé, avec des fluctuations assez mineures (en 2007, l’augmentation des effectifs n’aura été que de 0,3%, principalement localisée dans de grands centres urbains, surtout l’Ile de France).

Les financements par les collectivités publiques n’ont cessé d’augmenter sans transparence quant à leur emploi. Le financement des établissements privés devient ainsi de plus en plus inégalitaire.

En moyenne les fonds publics couvrent 90 % des budgets des établissements — rémunérations des enseignants comprises —.
Par ailleurs, le forfait communal versé aux écoles primaires a été très substantiellement revalorisé suite à la loi du 13 août 2004, et à la circulaire du 6 août 2007.
Elles agissent à 2 niveaux :
 extension du nombre de dépenses prises en compte,
 son versement est rendu obligatoire pour les communes d’origine des enfants, si les deux communes (celle de l’enfant et celle où est implantée l’école privée) sont dans la même communauté de communes.
Auparavant, la commune d’origine n’était pas tenue de financer les frais des élèves scolarisés hors commune si elle pouvait les accueillir dans ses écoles publiques.
Ce dispositif est très pénalisant pour les communes rurales et les communes les plus pauvres, qui se retrouvent à financer les plus riches. Il fait d’ailleurs actuellement l’objet d’un boycott.

Par ailleurs, la loi Censi, recul social très important pour les enseignants du privé, contribue au financement des établissements en diminuant substantiellement leurs charges…

 8.3 Les atteintes à la liberté de conscience

Elles se manifestent :
 par une volonté de contrôle des chefs d’établissement par les diocèses,
 par un filtrage des enseignants lors du recrutement sur des critères confessionnels et de « docilité »,
 par une formation initiale en partie sous tutelle confessionnelle,
 par des journées « pédagogiques » liées au caractère propre (assises de l’enseignement catholique notamment),
 par des célébrations religieuses sur le temps scolaire,
 par les pressions exercées sur les enseignants du premier degré pour qu’ils participent à l’éveil religieux.

L’État abandonne ses prérogatives d’employeur des enseignants, en associant de plus en plus souvent les responsables de l’institution aux décisions. Cela avait commencé sous la gauche (accords Lang – Cloupet), et s’est poursuivi jusqu’à la loi Censi.

Les échelons locaux, rectorats, inspections académiques, deviennent eux aussi ouverts aux représentants diocésains, qui n’ont pourtant aucune existence légale dans les contrats passés avec les établissements.

Enfin, les établissements privés sous contrat sont de plus en plus souvent centres d’examens, ouverts donc à des élèves du public. Est-il logique d’imposer à ces élèves de passer des examens de l’Éducation Nationale sous des symboles religieux ?

Le SUNDEP revendique le statut de la fonction publique pour tous les personnels et un système éducatif unifié et laïc.
Cependant, dans le cadre actuel, nous revendiquons :
 La pleine application des lois en vigueur (loi Debré, article L.442-5 du Code de l’Éducation, article L.122-45 du Code du Travail) pour garantir la liberté de conscience des élèves et des personnels, notamment lors des affectations, des formations et des journées liées au « caractère propre ».
 Le retrait dans les textes officiels existants de toute référence à des structures sous tutelle confessionnelle (mouvement et formation des personnels, loi Censi et décrets d’application).
 L’engagement de l’État comme garant de l’indépendance des maîtres et pour la défense des réglementations, notamment en matière de programme.
 L’attribution des moyens et des financements à l’enseignement privé en fonction des critères objectifs dont la mixité sociale.
 Le principe de non concurrence de l’enseignement privé sur l’enseignement public.