Nouveaux programmes en maternelle à la rentrée 2021 ?

lundi 12 avril 2021


Le 1er septembre 2020, le ministre Jean-Michel Blanquer a rédigé une lettre de mission à l’attention du conseil supérieur des programmes (CSP) pour l’année 2020 – 2021.

Dans cette lettre il demande explicitement au conseil de consacrer une partie des travaux à l’école maternelle.

Le CSP a rédigé à l’attention du ministre une note d’analyse et de propositions sur le programme d’enseignement de l’école maternelle.

Il est donc très probable que de nouveaux programmes pour la maternelle apparaissent très prochainement (pour la rentrée 2021 ?).

Des évaluations en PS et en fin de GS sont évoquées ainsi qu’un recentrage sur les fondamentaux pour « permettre une entrée en CP réussie ». Les programmes de 2015 y sont largement remis en question.
Epargnée jusque là, l’école maternelle va elle aussi être profondément modifiée par JM Blanquer. Arguant de la scolarisation obligatoire dès 3 ans, le Conseil supérieur des programmes (CSP) définit un recadrage important du programme de maternelle. La nouvelle école maternelle sera celle des fondamentaux, des évaluations nationales (de le PS à la GS), des listes de vocabulaire et surtout de la préparation de l’évaluation de CP. Car l’école maternelle sera axée sur la préparation à l’entrée en CP. Alors que les programmes existants donnent toute satisfaction, le ministre fait plus qu’amener un nouveau programme. Il construit une véritable rupture dans la culture professionnelle des enseignants de maternelle.

Un angle nouveau

« L’instruction obligatoire dès 3 ans, en fixant un cadre commun, offre à tous les enfants les mêmes chances de réussir leur scolarité », affirme sans rire la Note du CSP. L’école maternelle est non seulement l’école de l’épanouissement, mais aussi l’école du langage. C’est pourquoi elle contribue grandement à lever le premier obstacle qui peut se présenter à certains enfants, celui d’une familiarité insuffisante avec la langue française. Or une certaine aisance dans le maniement du français, outre qu’elle conforte le sentiment d’appartenance du jeune enfant à la communauté nationale, lui est nécessaire pour qu’il soit en mesure d’apprendre convenablement à lire, à écrire et à compter à l’école élémentaire... Le 2 octobre 2020, un pas supplémentaire et décisif a été accompli pour conforter la place de l’école maternelle dans le système éducatif français : à la rentrée scolaire 2021, c’est l’école, et non pas seulement l’instruction, qui sera obligatoire à 3 ans pour tous les enfants".

C’est par ce contexte que le CSP justifie ses « propositions » pour le programme de maternelle. Tout au long de la Note le CSP explique qu’il apporte des améliorations au programme de 2015. Il faut dire que ceux-ci ont été très bien accueillis par les enseignants. Mais, avec cette Note, les références idéologiques du programme de maternelle changent et par suite les objectifs et les pratiques. Il ne s’agit pas d’un « nettoyage » du programme de 2015 mais bien d’une réécriture.

Le CSP n’e fait pas vraiment mystère quand il parle d’un « angle nouveau ». « En 2014 et en 2015, l’élaboration de ce programme était guidée par une vision générale de l’enfant mettant l’accent sur son développement comportemental et psycho-cognitif. La loi rendant obligatoire l’instruction dès l’âge de 3 ans invite à reconsidérer ses priorités et ses finalités, et à veiller à la construction progressive, mais effective des apprentissages... Les trois années de scolarité préélémentaire doivent assurer à tous les enfants des acquisitions qui leur seront nécessaires pour aborder avec confiance le cours préparatoire. Sans pour autant être l’antichambre de l’école élémentaire, l’école maternelle doit permettre à tous les enfants d’accéder sans difficulté préalable aux apprentissages fondamentaux ». cf. François Jarraud, café Pédagogique du 10 décembre 2020.

Jacques Bernardin, du Groupe français d’Education Nouvelle, répond aux questions du Café pédagogique du 13 janvier 2021.
"Comme bien d’autres commentateurs, nous constatons à sa lecture que la maternelle court le risque d’un retour à une primarisation qu’elle a déjà connu dans les années 2008, une primarisation aux effets discutables. Les attendus constituent la grande section en pré-CP, tant en mathématiques qu’en français, les évaluations de rentrée CP étant appelées à être les standards sur lesquels la maternelle devrait s’aligner. Régulation du système scolaire par l’aval, en quelque sorte, au risque d’un « teaching for test » que le Royaume-Uni a déjà expérimenté, le payant par une dégradation de ses résultats.

On passera sur les approximations discutables, comme par exemple « l’enseignement, centré sur la compréhension des textes entendus, vise à introduire le principe alphabétique ».

Malgré quelques précautions liminaires, les propositions d’aménagement visent très explicitement à « mettre l’accent sur la langue » pour infléchir le programme qui, lui, « affirme la place primordiale du langage », accent sur la « langue française » est-il plusieurs fois rappelé, dans un clin d’œil appuyé à qui de droit…

On peut trouver opportun d’être attentif dès le plus jeune âge aux aspects formels du langage- attention à la prononciation, au vocabulaire et à la syntaxe, de développer la conscience linguistique à travers les jeux de mots et les comptines, mais jusqu’où ne pas aller trop loin dans le glissement vers un enseignement précoce des unités formelles de la langue ? Si en fin de maternelle, « tous les enfants doivent être capables de distinguer et de manipuler les syllabes d’un mot, les sons-voyelles et quelques sons-consonnes facilement identifiables », on craint le régime auquel, dès la PS, les jeunes élèves seront soumis pour y parvenir…

Des leçons de choses aux leçons de langage, l’avenir de l’école semble ainsi s’inscrire dans la logique du passé. Entre indigence et blouse grise, l’école maternelle va devoir trouver sa voie.

De quoi a besoin la maternelle aujourd’hui ?

Outre de reconsidérer la scolarisation des 2 ans, désormais oubliée, la maternelle a besoin d’une réelle formation initiale, la maternelle en a toujours été le parent pauvre, et de formation continue pour ses enseignants. Même si les jeunes enfants peuvent beaucoup, tout ne peut pas leur être demandé. L’action pédagogique gagne à connaître les étapes de leur développement, mais aussi les conditions effectives - si diverses - de leur prime socialisation.

Ainsi, ouvertes à tous, nos 13es rencontres se feront écho de recherches éclairant la spécificité du rapport au langage selon les univers sociaux, lors de la conférence introductive, avant de proposer quatre ateliers animés par des militants du GFEN et du SNEP, témoignant de pratiques dans tous domaines visant à faire évoluer ce rapport au langage, ateliers qui seront les supports d’échange et de débats. Il s’agira de servir une professionnalité enseignante en recherche et lucide, consciente d’un métier empêché et d’un pouvoir d’agir à reconquérir, lors de la conférence de clôture de Frédéric Saujat, propre à résister aux sirènes d’une modernité discutable".

Propos recueillis par Lilia Ben Hamouda

Le Sundep Solidaires dénonce encore une fois « ces fondamentaux » qui ne visent qu’à réduire les programmes à de la lecture et des mathématiques...
La France reste la championne du monde en maths et en français et championne du monde des changements de programmes scolaires !