DIMA, nouvelle voie de relégation avant la fin du collège ?

mercredi 16 avril 2008


Incidemment, la circulaire de rentrée 2008, document censé cadrer l’ensemble du système éducatif, promeut une nouvelle filière, le « dispositif d’initiation aux métiers en alternance » (DIMA), destiné aux collégiens de 15 ans.

Après l’échec de l’apprentissage junior, prôné par Robien mais refusé y compris par les branches professionnelles, Darcos s’engage dans la même voie en inventant une filière fermée qui semble surtout destinée à écarter du système éducatif les élèves « non conformes ».

Ci-dessous édito du Café pédagogique qui analyse ce nouveau dispositif.

« Dès qu’on ouvre une filière, on crée une voie de relégation qu’on se dépêche de remplir ». Cette réflexion de François Dubet vient immédiatement à l’esprit à l’annonce du déploiement à la rentrée 2008 du « dispositif d’initiation aux métiers en alternance » (DIMA)" destiné aux collégiens de 15 ans. Cette mesure, que l’on ne manquera pas de nous présenter comme une opportunité heureuse pour les enfants des milieux populaires, vise en fait leur relégation et marque l’obstination de la majorité à détruire la loi Fillon.

Selon la circulaire officielle qui le crée, le DIMA « permettra à des élèves de collège de découvrir un ou plusieurs métiers par une formation en alternance d’une année scolaire… tout en poursuivant l’acquisition du socle commun de connaissances et de compétences. Ce dispositif pourra être ouvert dans les lycées professionnels ou dans les centres de formation d’apprentis et se substituer ainsi à l’apprentissage junior abrogé ». Présenté ainsi, le DIMA semble simplement répondre à un problème réel, celui de l’orientation.

Le DIMA remet en question le socle commun. Même si l’on ne connaît pas encore la réalité des horaires des classes DIMA, il est clair que l’alternance signifie que la moitié du temps scolaire sera utilisé pour travailler en entreprise.

Cela veut dire que ces jeunes, qui auront 15 ans mais qui auraient du être en 4e ou en 3e, bénéficieront de deux fois moins d’heures de français, de maths, de langues que leurs camarades. Et puisque la circulaire nous dit que le DIMA se substitue à l’apprentissage junior, rappelons que celui-ci offrait 15 heures hebdomadaires d’enseignement général, à peu près 60 heures annuelles de français, là où leurs camarades en ont plus du double.

Dans ces conditions, prétendre, comme le dit la circulaire, qu’ils poursuivront « l’acquisition du socle commun » n’est pas sérieux. On ne peut pas à la fois prétendre à un socle commun et proposer aux plus faibles, ceux-là même qui en ont le plus besoin, un enseignement allégé. On avait pu apprécier le cynisme de Robien qui annonçait l’apprentissage junior le jour même où il installait le HCE sensé garantir le socle commun. Cette circulaire Darcos ne fait guère mieux.

Le DIMA excluera de l’Ecole. Il n’offrira pas de possibilité de revenir en arrière. C’est une réalité dont les documents officiels s’étaient ouverts à propos de l’apprentissage junior. Le « guide pédagogique » de l’apprenti junior, publié par la Dgesco, explique que les apprentis ont un niveau trop bas pour intégrer une 3e même pré-professionnelle (DP6) et trop de lacunes et de décalage dans le comportement pour revenir en 4e. Le DIMA ne fera pas mieux et méritera pleinement son caractère de relégation.

Le DIMA ne formera pas davantage. Car, comme l’apprentissage junior, il repose sur l’idée que certains jeunes ayant un bas niveau d’instruction, peuvent s’en sortir malgré tout grâce à l’apprentissage.

Malheureusement cette idée simple est rejetée par les analyses du Céreq. Pour eux, « l’apprentissage se compose en fait d’espaces divers... dont le plus dynamique actuellement n’est peut-être pas le mieux à même de répondre au principal enjeu des politiques de l’emploi : réduire le chômage des jeunes ».

L’étude révèle que « entre 1995 et 2003, les effectifs d’apprentis ont globalement augmenté mais ils ont diminué de 13 % dans les métiers de l’alimentation et de la cuisine, de 16 % dans l’hôtellerie-restauration. Ces métiers sont pour certains saturés, tel coiffeur ou employé de pharmacie ».

Résultat : pour les jeunes peu qualifiés l’apprentissage n’est pas, pour le Céreq, une réponse efficace. Le succès de l’apprentissage se fait ailleurs sur le territoire du « nouvel apprentissage » qui est investi massivement par l’enseignement supérieur. Entre les deux il existe bine une zone intermédiaire, celle du bâtiment ou de la mécanique, où les entreprises embauchent essentiellement au niveau du bac professionnel. Ce que montre l’étude du Céreq c’est que l’apprentissage s’est « scolarisé » et que les jeunes sans bagage scolaire solide ont peu de chances d’y réussir. Les orienter sur ce terrain c’est les induire en échec.

Le DIMA nie les droits. Une formation qui n’ouvre pas la voie à l’accès à l’emploi, qui empêche le retour à l’école et qui écarte du collège dès 15 ans, c’est tout simplement une voie de relégation qui remet de facto en question un héritage républicain, le droit individuel à l’éducation jusqu’à 16 ans. Elle « enfoncera » dans la relégation et l’échec les enfants des milieux populaires, ceux qui ont le plus à attendre de l’école de la République. Financièrement, elle fera financer par les plus démunis la formation des classes moyennes.

Alors que l’unité syndicale se cherche autour d’un refus du budget mais aussi des programmes Darcos, il nous semble que les organisations syndicales et pédagogiques peuvent se réunir contre une mesure qui ne peut pas se justifier par sa rentabilité budgétaire, qui même pour 10 000 élèves semble accessoire, mais qui reflète le mépris social pour ne pas dire la haine ethnique. Il s’agit aussi de défendre l’idée même du socle commun.

Commentaires

  • Article faisant preuve d’un esprit obtu. Sortez de votre café pédagogique ! Je suis professeur de français, pas démissionnaire du tout, et professeur principal de 11 élèves de 4e en difficulté mais ne manquant pas de courage, mais qui sont en rage que la 3e d’insertion de notre collège soit supprimée, que la seule classe DIMA de la ville soit dans un autre établissement où 3 places leur sont peut-être réservées - on n’en est même pas sûrs, étant donné le mépris général dont l’ensemble de notre petit collège rural réunionnais fait l’objet.
    Dis donc, le rédacteur de l’article, crois-tu que le circuit électrique qui te permet d’allumer la lumière chez toi a été posé par un lecteur de Platon dans le texte ?
    Ou par un sombre abruti ?
    Et bien, ni l’un ni l’autre, figure-toi.
    Car j’ai depuis longtemps cessé de mesurer l’intelligence au nombre de diplômes. Mes élèves ont une intelligence qu’aucune leçon sur l’accord du participe passé ne mettra en valeur.
    Et pourtant, ils sont intelligents.
    Je pleure pour eux, parce que je vois que tout le monde se fout d’eux, que l’égalité à tout prix aboutit à l’injustice, que je n’ai rien à leur proposer.
    Finalement, nous mériterons la colère qui va nous tomber dessus.
    Votre site met en évidence mai 68 ?
    Je vous promets de beaux lendemains qui chantent avec une vraie révolte de tous ceux que vous méprisez autant. Voyez la Guadeloupe.

    Voir en ligne : http://lewebpedagogique.com/cambust...

    • En empruntant cet article au Café pédagogique, on ouvrait un débat qui, chez nous aussi, n’est pas tranché.

      En gros s’opposent
       ceux qui pensent que le collège unique est une erreur car il ne permet pas de prendre en compte la diversité des intelligences, et conduit à l’échec une masse très importante d’élèves « non conformes ».
       ceux qui veulent maintenir un égal accès au savoir (collège unique, socle commun ...) qui permette à chaque élève, avant spécialisation, d’acquérir un bagage à la fois intellectuel, citoyen ...

      Nous rêvons, et pour beaucoup d’entre nous œuvrons pour une 3e voie qui permettrait de combiner formation commune et meilleure prise en compte de la diversité. Les blocages sont multiples : découpage trop hermétique des matières, culture de l’élitisme ... manque de moyens.

      Et c’est bien là qu’on peut contester apprentissage junior comme DIMA : la conception des réformes des gouvernements qui se sont succédés depuis 2002 n’est pas tournée vers un aménagement pédagogique en direction des élèves en difficulté, elle relève avant tout de la volonté d’écarter du système vers des voies de garage des catégories d’élèves pour, au final, économiser.