Sarko à Saint Lô : « la police partout, le droit nulle part »

mercredi 14 janvier 2009


Sarkozy avait prévu de reprendre la main dans l’éducation, son ministre étant, de son point de vue, défaillant depuis quelques semaines.

Il a donc organisé une confrontation « sur le terrain », à Saint Lô. Mais de nombreux enseignants voulaient l’interpeler sur sa politique, il les a fait rejeter par sa police dans les faubourgs (voir communiqué intersyndical ci-dessous) ...

Ce déplacement devait aussi être l’occasion de vœux aux enseignants, alors que le ministre est totalement discrédité et que ses « réformes » (qui toutes ne mènent que vers un objectif : la réduction des moyens) sont contestées très largement (par les enseignants, mais aussi les lycéens et étudiants, la majorité des parents d’élèves et une part de plus en plus importante des français.

Au lieu d’un élan nouveau, ou même de l’ouverture d’une réelle négociation avec les acteurs du système éducatif, on a eu droit à une pauvre manoeuvre de diversion avec la nomination d’un « haut-commissaire à la Jeunesse » et au remplacement d’un recteur (Gaudemar) par un directeur de Sciences Po plus médiatique pour piloter une « réforme du lycée » ...

Les profs ont par ailleurs appris que, non seulement on ne veut pas les écouter mais qu’ils seront sanctionnés par la « reconquête du mois de juin », stratégie du pouvoir pour les obliger à travailler encore davantage.

Nous nous exprimerons donc dans la rue les 17 et 29 janvier !

Communiqué intersyndical suite à la venue du président à Saint Lô

Les organisations syndicales CGT, FSU, CFDT et SUD éducation / SOLIDAIRES après les graves incidents qui ont eu lieu cet après-midi, interpellent le président de la République, les élus et les citoyens du département de la Manche.

Dans un pays démocratique, la plus aveugle violence policière s’est déchaînée sous nos yeux.

La manifestation organisée à l’occasion de la visite de Nicolas Sarkozy a rassemblé 5.000 personnes dans les rues de Saint-Lô, dans l’ordre et dans le calme. Les organisations syndicales ont veillé, tout au long de cette journée, à canaliser les manifestants et à éviter toute provocation.

Durant le rassemblement, cinq manifestants, dont quatre lycéens et un militant de la CGT ont été interpellés par les forces de l’ordre, sans qu’il y ait eu de leur part la moindre violence ou provocation. A la dislocation du rassemblement, les manifestants se sont rendus au commissariat pour accompagner une délégation qui demandait à être reçue. Après une première charge sans sommation, au gaz lacrymogène, les militants des organisations syndicales ont formé un cordon pour éviter tout débordement. Les manifestants se sont ensuite dirigés vers la mairie, pacifiquement, la tension baissant.

Alors même que notre délégation revenait d’une audience en préfecture, les CRS arrêtaient plusieurs jeunes manifestants, suscitant la colère de leurs camarades. Les forces de police ont alors directement chargé, frappant à de multiples reprises des manifestants sans défense. Un autre militant de la CGT a été pris dans l’échauffourée.

Les forces de police ont voulu procéder aussitôt à un contrôle d’identité. Entouré par les militants, notre camarade a refusé de s’y soumettre immédiatement, cette injonction étant une atteinte manifeste au droit de manifester pacifiquement. Après que nous ayons tenté de négocier, les CRS ont de nouveau chargé, s’en prenant avec violence à un groupe d’une trentaine de personnes, d’où nous avions pris la peine d’évacuer tous les mineurs. Notre camarade est ce soir détenu au commissariat de Saint-Lô. Cette journée est à marquer d’une pierre noire dans l’histoire locale. Jamais jusqu’ici notre ville n’avait été le théâtre de quelque violence que ce soit lors de manifestations. La population a toujours fait preuve de flegme et d’un grand respect de la légalité.

Le jour même où le président de la République visite en coup de vent la capitale du département, la violence policière s’est déchaînée dans toute sa brutalité sur des manifestants pacifiques.

Ce soir, ce sont non seulement une dizaine de citoyens – dont deux militants de la CGT - qui sont détenus injustement, touchés dans leur dignité et dans leur chair. Ce sont aussi les libertés fondamentales qui sont bafouées par la police de M. Sarkozy : droit de manifester, droit d’exprimer pacifiquement des opinions et des revendications, droit de militer dans une organisation syndicale et de faire grève.

La violence policière qui, vue de notre département, pouvait passer pour un phénomène lointain, nous touche aujourd’hui de plein fouet. Notre démocratie, déjà bien mise à mal, est aujourd’hui malade : malade d’une brutalité froide et aveugle devenue la règle ; malade de l’autisme d’un gouvernement aux ordres du patronat ; malade enfin de l’intolérance d’un président incapable d’admettre que 5000 personnes lui expriment leur défiance, alors que seules quelques dizaines venaient le saluer.

Les organisations syndicales demandent la libération immédiate et sans condition des manifestants détenus, ainsi que l’abandon de toute poursuite à leur encontre. Elles demandent également qu’une enquête soit ouverte sans délai sur la responsabilité de ces graves débordements policiers. Elles appellent enfin toute la population à se mobiliser dès maintenant en vue du mouvement national du 29 janvier prochain.

Des annonces très pauvres

Sarkozy a annoncé le lancement d’une mission sur le lycée afin de mener à bien la réforme, reportée à la rentrée 2010 après les importantes manifestations de la fin de l’année dernière. Elle sera dirigée par Richard Descoings, directeur de Sciences Po-Paris, connu pour sa politique d’élargissement de l’accès de son établissement à des lycéens de ZEP.

Placée « sous l’autorité » du ministre de l’Education Xavier Darcos, la mission devra faire des « propositions », « associer tous les lycéens de France » et « élargir la concertation », a dit le président, promettant aussi que la réforme se ferait sans suppressions de postes au lycée.

Des annonces insuffisantes pour les principales organisations lycéennes, UNL et Fidl, qui réclament un arrêt de toutes les suppressions de postes dans l’Education et ont appelé à des manifestations jeudi dans toute la France.

Comme vendredi lors de ses voeux aux personnels hospitaliers, M. Sarkozy a assuré que la solution n’était pas « plus d’argent, plus de postes ».

Replaçant la question du lycée dans un contexte plus large d’une « politique de la jeunesse », le chef de l’Etat a nommé un « haut-commissaire à la Jeunesse » en la personne de Martin Hirsch, « père » du RSA qui conservera son titre de Haut commissaire aux Solidarités actives.

La ministre de l’Enseignement supérieur Valérie Pécresse a salué cette nomination comme « une initiative forte ». Mais l’organisation étudiante Unef n’y a vu qu’un « gadget », « s’étonnant qu’un haut-commissaire sans administration, sans budget et sans compétence en matière d’éducation, d’enseignement supérieur ou d’emploi puisse mettre en place la politique qu’attendent les jeunes ».

« Je ne suis ni le chouchou, ni le gadget de personne. C’est logique, le temps est venu de traiter des problèmes des jeunes autrement », a réagi ensuite M. Hirsch lui-même.

Père du Revenu de solidarité active (RSA), qui sera en vigueur en juillet 2009 pour les plus de 25 ans, M. Hirsch a estimé que le RSA n’allait « a priori » pas s’appliquer aux jeunes.

« Il faudra inventer quelque chose qui réponde mieux aux spécificités des jeunes », « tester des choses et voir ce qui marche, le but étant de permettre aux jeunes d’acquérir l’autonomie », a-t-il ajouté.

Alors que M. Sarkozy a également regretté que les syndicats enseignants aient boycotté ses voeux de Saint-Lô, ceux-ci ont appelé lors d’une conférence de presse commune à Paris à poursuivre les mobilisations, notamment celles prévues les 17 et 29 janvier.

Et ils ont déploré en retour que M. Sarkozy ait dit peu de choses sur les personnels enseignants, alors que ses voeux leur étaient en principe destinés.

Commentaires : Désignation de deux personnalités supposées être consensuelles, promesse d’une réforme des lycées sans suppression de postes (mais les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent ...), c’est tout ?

Et puis on a déjà donné dans les personnalités au dessus de tout soupçon : le même Hirsch, supposé « de gauche », a bâti un RSA qui, sur le long terme, va entraîner une dérive à la baisse des salaires et un précarisation accrue.

Paradoxe d’une nomination comme haut-commissaire à la Jeunesse : il est le père d’une mesure (le RSA toujours) qui exclut les moins de 25 ans ...