Conseil pédagogique en collège et lycée : volonté de restreindre la liberté pédagogique

jeudi 17 décembre 2009


La loi Fillon du 23 avril 2005 a créé les conseils pédagogiques, qui n’ont cependant été mis en place que dans peu d’établissements secondaires. Le projet de réforme du lycée relance cette structure, en obligeant son extension à tous les établissements publics.

Au départ, le but était de créer des « structures légères de concertation avec les enseignants, pour dynamiser le projet d’établissement ». Mais cette structure a été très vite accusée d’être un instrument d’encadrement des enseignants, une hiérarchie intermédiaire pédagogique sous la tutelle du chef d’établissement, et d’élargir, de fait, les compétences et les interventions des chefs d’établissement dans le domaine pédagogique, avec le risque d’une remise en cause de la liberté pédagogique des enseignants.

Par ailleurs, les réductions de moyens ont énormément diminué la marge de manœuvre des établissements au point d’assécher les gisements qui auraient pu donner un peu d’air au conseil pour agir sur les horaires élèves.

Sa relance, à l’occasion du projet de réforme du lycée (mais son application concernera aussi les collèges et LP) renforce encore les dérives de la loi de 2005 car, à une structure pas du tout démocratique, il affecte cette fois des pouvoirs qui peuvent se révéler très préjudiciables aux enseignants et, in fine, aux élèves.

 Le conseil pédagogique, avant-après

Loi du 23/04/2005Projet au 10/12/2009
Présidence par le chef d’établissement - Il préside et fixe l’ordre du jour,
 il convoque (au moins 3 fois par an) au moins 8 jours à l’avance (3 jours en cas d’urgence)
 Il désigne en début d’année scolaire les titulaires et suppléants parmi les personnes volontaires au sein des équipes péda-gogiques
 il peut associer aux travaux toute personne qu’il juge utile
 quorum de 50% nécessaire, sauf si 2e réunion (aucun quorum)
 fixation d’un règlement intérieur (modalités de fonctionnement, de convocation)
Composition « indicative »
 au moins un professeur principal de chaque niveau d’enseignement,
 au moins un professeur par champ disciplinaire,
 le conseiller principal d’éducation
 le chef de travaux dans les LP et LT
Fixée obligatoirement par cette loi :
 un professeur principal de chaque niveau d’enseignement
 un professeur par champ disciplinaire (ou les deux fonctions conjuguées en une seule personne)
 le conseiller principal d’éducation
 le chef de travaux dans les LP et LT
Missions - favoriser la concertation entre les professeurs, notamment pour coordonner les enseignements, la notation et l’évaluation des activités scolaires
 étudier les propositions d’expérimentations pédagogiques
 préparer la partie pédagogique du projet d’établissement
 mener une réflexion, établir un diagnostic de l’établissement, évaluer les actions mises en place et formuler des propositions « dans le respect de la liberté pédagogique des enseignants »
rôle élargi à :
 organisation des enseignements en groupes de compétences, modalités de l’accompagnement personnalisé
 répartition des 7 à 10 heures hebdomadaires à redistribuer aux disciplines (dédoublements/modules globalisées)
 organisation de l’aide et du soutien
 modalités de notation et évaluation des activités scolaire
 modalités des échanges culturels et linguistiques
 modalités de changement d’orientation en 1re (réforme du lycée)

 Renforcement du pouvoir du chef d’établissement (Art. R421-8 à 421-13)

Sur la structure de l’établissement, sur l’utilisation de la DGH (dotation horaire globale) et en général sur les mesures relevant de l’autonomie pédagogique des établissements, le texte laisse l’initiative des propositions au chef d’établissement. Ceci limitera les interventions en CA à des amendements puis à un vote favorable ou défavorable au projet du chef.

Dans le public, il devra – en partie – tenir compte du conseil d’administration

Dans « le cas où le CA rejette la 2nde proposition relative à l’emploi des dotations en heures d’enseignement et d’accompagnement personnalisé qui lui est soumise, le chef d’établissement en arrête l’emploi ».

Mais un amendement précise que les heures globalisées (jusqu’à un tiers de l’horaire total) sont accordées « par division » et non de façon globale à l’établissement. Leur gestion reste confiée au conseil pédagogique mais le contrôle du conseil d’administration est renforcé. Le chef d’établissement ne pourra pas imposer sa répartition en cas de désaccord avec le CA. Il devra proposer une autre répartition dans un délai court

 L’application au privé sous contrat

L’enseignement catholique a jusque là privilégié une autre structure : le conseil d’établissement, qu’il définit ainsi : « Instance consultative, le conseil d’établissement, qui réunit toute la communauté éducative, participe à l’évolution du projet éducatif de l’établissement, à sa relecture et à sa mise en œuvre. Il contribue à l’élaboration du projet d’établissement et du règlement intérieur des élèves, à leur évaluation et à leur actualisation. Il participe aux orientations et à la conception de la politique prospective de l’établissement. »
Supériorité ? Ses membres sont élus, donc théoriquement on se trouve face à un dispositif plus démocratique.

Cependant, à l’usage, on constate que ce dispositif est souvent utilisé comme moyen de concurrencer les comités d’entreprise (obligatoires, eux, et dont les règles sont inscrites dans le droit du travail).
Au plan éducatif, si on compte quelques réussites qui permettent de dynamiser des établissements, assez souvent on en reste dans un « entre soi » qui permet surtout au chef d’établissement de donner un semblant de légitimité à ses seules initiatives (ce conseil n’est que consultatif).

A l’avenir, les établissements privés vont s’interroger car ils pourraient rencontrer un problème juridique : ne pas avoir de conseil pédagogique tel que prévu dans la loi pourrait amener à l’invalidation de certaines décisions.

Mais alors on serait privé du seul contrepoids existant : le conseil d’administration.
En effet, ceux des associations (ou OGEC) du privé sous contrat n’ont rien à voir avec ceux du public : une représentation des personnels inexistante ou très limitée (par cooptation de profs « dans la ligne »), des règles qui varient d’un établissement à l’autre, rarement favorables à un vrai contrôle démocratique.

 L’avis du SUNDEP

Le concept de liberté pédagogique, sans cesse réaffirmé par les gouvernants, est cependant battu en brèche ces dernières années par des mesures visant à en faire des agents d’exécution. Ainsi des réformes en 1er degré qui ont voulu imposer des méthodes par le haut (lecture, retour à des apprentissages répétitifs…).

Cela sous couvert d’une autre liberté affirmée, celle de l’autonomie des établissements qui répondrait à la demande de diversité. Faux discours, qui au contraire signifie une caporalisation des enseignants sous la tutelle de chefs.
A ce sujet, le changement d’appellation des directeurs d’école (responsable administratif et animateur de l’équipe) en « chef » d’établissement, même si elle ne s’est pas traduite immédiatement dans les comportements, veut bien indiquer la hiérarchisation de la fonction.

Or la liberté pédagogique a sa logique : on n’a pas inventé à ce jour « la » méthode pédagogique indiscutable qui permettrait à tous les élèves d’avancer d’un même pas.
C’est donc à l’enseignant, éventuellement en coordination avec ceux qui l’entourent, de choisir celle qui est la plus adaptée pour un élève ou un groupe donné. C’est au prix de cette liberté que le système est le plus efficace !

Il semble qu’avec le dispositif du conseil pédagogique, la mise au pas des enseignants s’enclenche en 2nd degré. En effet, l’appellation de « conseil » est volontairement trompeuse.
Tous les pouvoirs seront concentrés entre les mains du chef d’établissement, avec des marges de manœuvre dans le cas des lycées énormes :
 plus de norme nationale pour les dédoublements,
 affectation d’un prof sur des dispositifs sans que le volontariat soit obligatoire (tutorat, soutien),
 avec la possibilité de modulation semestrielle des horaires...

Et nous n’aurions même pas dans le privé le contre poids du conseil d’administration.

A ce sujet on ne comprend pas trop l’empressement de la FEP-CFDT, qui en réclame l’application immédiate dans le privé sous contrat.

Et des évolutions envisagées seraient encore plus graves : depuis quelques temps déjà circule l’idée (révélée par un syndicat d’inspecteurs) que l’inspection serait désormais réservée aux seuls enseignants débutants, les notes (administratives et pédagogiques) étant alors attribuées par les chefs d’établissement !